1 er Novembre: Nous faisons nos retrouvailles à minuit avec notre Bestiole, Stéphane et Anja. Ceux-ci ont l’extrême gentillesse de nous ramener les clefs à cette heure-ci car ils n’ont pas osé les laisser cachées, comme c’était prévu, on ne sait jamais.
Nous retournons au Hitch Hicker à une heure du mat, mais il n’y a plus de place pour nous, nous devons trouver un autre endroit pour passer la nuit. Nous nous rendons alors à l’hôtel qui nous avait accueilli lors de nos réparations.
Ce matin nous retournons au Hitch pour voir si en faisant déplacer les autres voyageurs, nous pouvons nous insérer. Ce sera chose faite. Nous retrouvons avec joie Jessica, Nicolas et Elliot, et faisons la connaissance de l’expédition ANAUTICA, une famille de 4 voyageant depuis 6 ans en camion man aménagé. C’est donc dans la bonne humeur que nous passons nos deux jours de plus à Lima en compagnie de Catherine, André, Audrey, 16 ans et Titouan, 14 ans.
Ces deux jours nous donnent aussi l’occasion de manger un bout avec Anja et Stéph, un ceviche dans un petit marché de Barranco avant de se quitter.
3 Novembre: ON S’ARRACHE ENFIN! non pas que Lima nous ait déplue, mais le tumulte des grandes villes nous lasse très vite, les klaxonnes incessants, les alarmes de voitures qui se déclenchent à tous moments de jour comme de nuit, des camions et bus aux pots percés, la conduite sauvage et méprisante pour les piétons des Limenos, il nous faut trouver un endroit calme pour passer une vraie bonne nuit. C’est pourquoi nous décidons de nous rendre dans une réserve naturelle, Lomas de Lachay.
C’est un endroit très étonnant de 50 km2 où les fleurs et les arbres nains ont remplacé le sable et les cailloux du désert côtier de ce pays. Ce paysage est le résultat d’une combinaison de facteurs climatiques particuliers créant un écosystème unique permettant à la flore de se développer. La brume côtière enveloppe les collines, le brouillard est permanent pendant la saison humide de Juin à Novembre. Nous avons eu de la chance, le soleil a percé dans l’après-midi, et nous a dévoilé une prairie fleurie digne des montagnes de Heidi en été.
C’est tout d’abord un choc visuel, la verdure est soudaine, après tous ces km de morne sable gris. Puis c’est un choc acoustique, des oiseaux par centaines chantent, gazouillent, crissent et glougloutent autour de nous. Il y a plus de 50 espèces d’oiseaux, dont des colibris qui virevoltent de fleurs en arbres. L’un d’entre eux est venu nous examiner en faisant du vol stationnaire devant les portes ouvertes du camion. Cet endroit est féerique. C’est une bouffée d’oxygène à 105 km au Nord de Lima.
Nous parcourons un sentier, indiqué comme se faisant en 20 mn. Mais c’est plus de deux heures que nous errons parmi les fleurs, les plantes rampantes et couvrantes qui tapissent le sol et le pied des arbres. Qui dit prairie dit insectes, et nous débusquons quelques un d’entre eux, dont de timides xylocopes et leurs cousins dorés qui se cachent dans leurs trous à la vue de l’objectif, ou une grosse mangeuse de feuilles dont on n’a pas trouvé le nom.
Nous voyons l’océan au loin et ne regrettons pas notre choix de ne pas être allés bivouaquer sur la plage cette fois-ci.
Une belle ortie noire que je n’aurais pas dû toucher!
Le coin est aménagé pour camper, mais sans eau ni douches. C’est un endroit insolite et reposant pour passer un ou deux jours au chants des piafs et rompre la monotonie de cette chère panaméricaine.
4 Novembre: Nous nous levons dans un sac de coton, la brume a envahit notre campement, nous n’y voyions pas à plus de 20m, le décors est irréel, envoûtant et même un peu inquiétant. Manque plus qu’un loup qui hurle à la mort...
Nous quittons la réserve sans avoir vu la faune qui y vit, comme les renards ou les vizcachas, mais nous l’avons senti omniprésente, tapie sous les grandes herbes à nous regarder passer en s’extasiant comme des andouilles sur de minuscules fleurs...
Nous continuons la route jusqu’à n’en plus pouvoir et trouvons au bout d’une piste cahoteuse semée de coquilles St Jacques vides prédisant une crique de pêcheurs au bout. La piste en est rose de coquilles broyées par les camions venant chercher les produits de la pêche du coin. L’endroit est calme, le bruit des vagues remplace le chant des oiseaux, c’est aussi bien. Le soleil embrase le ciel en se couchant.
5 Novembre: Nous roulons sur cette interminable route 1, passant de déserts en oasis, en nous rendons compte de la richesse agricole et de la biodiversité de ce pays. Les manguiers poussent dans le sable aux côtés des asperges, les champs de coton avoisinent ceux des pommes de terres, le maïs pousse près des carottes, la canne à sucre côtoie les artichauts, les oignons se ramassent alors qu’on plante le riz, sans parler des ananas, des mandarines, des pommes, des choux, des bananes.... Tout ce qui notre esprit est exotique pousse ici aux côtés de plantes qu’on penserait incompatibles. En ce moment, c’est la coupe de la cane à sucre dont on apprit qu’il y a 3 variétés, la blanche, la violette et la noire.
Mais nos pensées sont systématiquement interrompues par des contrôles de police ou par des péages. Hier un contrôle, aujourd’hui c’est 6 dans la matinée, dont 2 à un km de distance. Notre air décontracté disparaît peu à peu à la vue du bâton rouge dressé pour nous faire arrêter. A chaque fois pour présentation des documents qu’ils ne comprennent visiblement pas. Nous nous crispons face à ce harcèlement mais gardons notre calme puisque le policier d’ici ne sait pas que le policier de là-bas nous a déjà contrôlé. Et mieux ne vaut pas les chatouiller, ils n’ont pas tous l’air rigolos. Tant pis pour les septièmes policiers, nous faisant signe de nous arrêter, nous passons devant avec un grand sourire en leur faisant coucou. Il sont restés bêtes, et heureusement, ils ne nous ont pas suivis! Sans parler des péages qui nous prennent pour un poids lourd (non mais), et devons prouver à chaque fois que nous sommes un VL malgré nos 2 essieux. Ici les poids lourds payent au nombre d’essieux, et la note est bien salée, pire qu’ ESCOTA, 5 péages pour 500 km.
Nous passons rapidement la grande ville de Chimbote, dont les multiples usines de farine de poissons embaument l’air d’une odeur de...charogne, bref, on file après avoir halluciné sur les centaines de barques et chalutiers ancrés dans la baie.
Nous arrivons un peu sur les nerfs à Trujillo, qui n’est pas faite pour nous calmer. Les klaxonnes sont plus nombreux qu’à Lima! Pas possible de se parler dans la rue, au point qu’il faille faire répéter aux gens car nous n’entendons rien. L’architecture coloniale est assez séduisante, et la spécialité du coin est le KING KONG, un gâteau à plusieurs étages à la crème d’orange, ananas et cacahuètes. Vu l’épaisseur, il faut avoir la mâchoire de Kong pour en venir à bout. Tout ceci ne nous intéresse pas assez pour nous retenir. On déguerpi à Huanchaco, la station balnéaire du coin, paradis des surfeurs.
Huanchaco est une station balnéaire qui fourmille de restaurants et d’hôtels. Les pêcheurs utilisent des caballitos de totora, petits chevaux de roseau, qu’ils chevauchent en affrontant les vagues pour partir à la pêche au filet. Ces embarcations figurent sur des poteries vieilles de 2000 ans, c’est dire si ici ils font perdurer les traditions!
6 Novembre: Nous profitons du wifi du camping qui fonctionne très bien dans la matinée et partons visiter Chan Chan, une cité faite de terre crue datant à peu près de 1300. El nino et ses pluies torrentielles ont causé beaucoup de dégâts sur la citadelle, certains bas reliefs sont encore visibles, mais la majorité d’entre eux sont récents.
Avec de l’imagination, nous pouvons admirer la beauté de cette ville qui comptait environ 60000 habitants du peuple Chimu. Malheureusement, notre imagination est vite brimée par les répétitions d’un concert dîner organisé dans la belle cour de cérémonie. Le son est tellement fort, plus que dans une salle de concert, que nous fuyons, nos tympans risquant d’éclater. Nous partons vite derrière, mais les échos rendent encore plus insupportable le bruit. Autre déception, le site est défiguré par de nombreux poteaux métalliques, support pour les bâches de protection. De plus, aucune information n’est donnée à l’entrée, ni dans les différentes parties du site. Il n’y a que quelques pauvres maquettes, sous lesquelles nous pouvons deviner qu’à l’époque, il devait y avoir des plaquettes explicatives. Mais elles ne sont plus là. Est-ce fait exprès pour nous obliger à prendre un guide?
Dommage, ce peuple avait très bon goût en matière de décoration urbaine, les frises évoquent loutres, poissons, pélicans, autant de représentations qui montrent que leur vie était étroitement liée à celle de l’océan.
A la sortie du site, je retourne sur mes pas pour demander le livre de commentaires qu’il y a partout normalement. Je tombe sur un type qui ne m’écoute pas et me demande mon billet d’entrée. Je lui dit que je veux seulement le livre... C’est presque une esclandre que je viens de créer. Le gars me dit que je ne peux pas entrer car je viens de sortir, mais il ne me laisse pas parler et me gueule dessus. Un gars à côté s’en mêle pour me défendre. J’ai cru que ça allait finir en bagarre... pour rien. Un excité tête de lard. Bref, la visite n’a pas été une partie de plaisir et cela figure sur leur satané livre de commentaires.
Nous allons visiter Huaca Arco Iris, un temple dans la banlieue, puisque c’est comprit dans le prix du billet. Et là encore, déception, des poteaux partout, dommage, les fresque du temple de l’arc en ciel sont très belles.
Ils faisaient même des représentations des lutins du père Noël, ils sont forts ces Chimus!!!
C’était peut être pour amadouer les petits enfants qu’ils amenaient là pour le sacrifice! Et oui, les grandes cavités autour du temple étaient remplies d’os d’enfants!
7 Novembre: Alors combien de contrôles de police aujourd’hui? Seulement deux fois ce matin, et deux péages. Dont un qui nous a fait payer le prix poids lourd 3 essieux. J’ai été voire le chef du péage, la négociation fût vaine, papiers à l’appuis, il n’a rien voulu savoir. Dommage, il n’y avait pas de porte à claquer! La journée commence bien.
Nous arrivons à Chiclayo, nous garons devant un vigile qui nous dit pas de problème le coin est sûr, et nous revenons du marché délestés de nos 3 sacs de couchages, notre sac à dos de rando, nos trépieds photos, une lampe de travail. Ils ont réussis à passer par la fenêtre en soulevant le bitogniot avec une baguette. Rien de grande valeur heureusement à part nos duvets. Le vigile disparu... et le fleuriste d’en face, très sympa, a appelé la police lorsqu’il a vu les voleurs toucher au camion.
Du coup, un sentiment de malaise s’installe. Je vais demander à l’hôtel d’à côté si nous pouvons dormir dans son parking, on m'envoie un refus catégorique, ce n’est pas notre politique! On nous a prit pour des cloches ou quoi? (merci hôtel Inti). Nous discutons avec les policiers qui nous expliquent qu’ici c’est dangereux, que nous sommes une provocation aux voleurs, et que dormir sur la plage est une très mauvaise idée. Nous partons à San José, la plage des pêcheurs de Chiclayo, en ne sachant pas où dormir tranquille. Questionnant les flics du village, nous nous apercevons qu’ils sont tous déchirés, normal, c’est Samedi, et ne comprenons rien à ce qu’ils nous disent.
Nous allons voire les pêcheurs qui nous proposent gentiment de nous garer dans le terminal de pêche car c’est gardé jour et nuit.
Et oui, le voyage, ce n’est pas toujours de la rigolade. Voilà où nous finissons la journée, avec des gars qui nous collent au train en s’improvisant guides. Aujourd’hui c’est mal ressenti, on a envie d’être tranquille mais nous acceptons implicitement que Rafaelo nous accompagne sur la plage pour nous montrer les bateaux posés sur le sable, avec nos pensées tournées vers notre Bestiole, étant un peu inquiets malgré la gentillesse des gens. Nous assistons au baptême d’un chalutier construit ici, au coucher du soleil. Beaucoup de villageois sont là pour y assister. Il est posé et attend que la marée monte pour être libéré. Un tracteur le pousse pour l’aider un peu, entrant à moitié dans l’eau.
Nous nous enfermons en sachant que nous allons devoir rester ici demain aussi car on sera Dimanche et nous avons besoin d’attendre Lundi pour retirer de l’argent à la dernière HSBC que nous allons rencontrer au Pérou malheureusement.
8 Novembre: Nous sortons de notre camionnette et apercevons Rafaelo et Ciriaco qui nous attendent pour nous faire une visite de San José. Ils nous emmènent d’abord voir les chantiers navals où les bateaux sont intégralement construits en bois à la main. Nous sommes impressionnés par tant de savoir faire et pensons inimaginable que de gros troncs d’arbres tordus puissent finir en chalutiers
Nous demandons le nom de cet arbre qui pousse sur la côte et qui sert à faire les bateaux, mais on est incapable de l’écrire, phonétiquement ça donne le fayké. C’est un nom vernaculaire.
Tout le processus de fabrication se fait sur place, du tronc découpé à la tronçonneuse aux finitions de la coque.
Nous bavardons un peu avec les employés qui nous annoncent qu’un chalutier comme nous avons vu baptisé hier coûte environ, tout équipé, un million de soles, soit environs 220000 €.
San José a une spécialité: la raie manta. Ils en pêchent ici tous les jours, toute l’année. Rafaelo nous emmène visiter l’endroit où ils découpent les raies afin de les faire sécher.
La visite est sanglante, mais très sympathique, les ouvriers discutent volontiers avec nous, ils sont aussi curieux de savoir d’où on vient que nous de connaître leur travail. L’échange est agréable.
La raie manta n’est pas le seul poisson pêché ici, une autre spécialité est le tollo, une roussette qu’on mange aussi séchée, ou en céviche.
Nous invitons Ciriaco et Rafaelo a manger avec nous car nous souhaitons goûter la spécialité culinaire de San José, la tortilla de raya, l’omelette à la raie manta séchée.
C’est bon mais salé!
Ici on coupe les têtes, à l’intérieur on coupe les ailes, qui sont disposées dans le gros tonneau puis mises en saumure avant d’être placées sur des rondins dehors à sécher.
Nous remercions Rafaelo et son ami Ciriaco, pêcheur à la retraite. Ils voulaient qu’on enchaîne sur un autre restaurant pour goûter autre chose, visiblement, ils avaient encore faim!
Nous les quittons pour balader un peu seuls sur la plage. De retour à la camionnette, nous faisons la connaissance d’Iris, qui nous explique que dans peu de temps des pêcheurs vont revenir de la pêche et que nous pouvons assister au débarquement de la marchandise. Elle est là pour aider un peu, son rôle est de voir ce qu’il y à a ramener à Chiclayo pour le marché demain.
Nous allons sur la plage et les pêcheurs viennent tout juste d’arriver. Ils commencent le débarquement, c’est un défilé de raies mantas et des roussettes qui passent devant les villageois attentifs et qui attendent de pouvoir acheter un peu pour eux avant que tout ne parte au marché.
Les poissons sont pesés, vidés, coupés en deux, lavés et mis dans les caissettes directement sur la plage.
Iris a gardé son beau pantalon blanc pour l’occasion!
Le sang gicle, le sable gluant vole, les crottes de mouettes tombent, impossible de rester propre!
C’est un peu comme une fête, les enfants s’éclatent, fouillent les boyaux pour analyser le repas des raies, et ils y trouvent parfois un petit poisson, les chiens se battent pour quelques restes, les mouettes sont là par centaines à crier.
La pêche est bonne pour un si petit bateau, nous sommes impressionnés par le nombre de kg de raies qui sortent de là. Elles pèsent en majorité dans les 30 ou 40 kg, la plus grosse aujourd’hui à dû être coupée en deux pour la pesée, 80 kg!
Au moment où j’écris, on a encore l’odeur des poissons dans le nez, entre la visite de ce matin et l’arrivée de la pêche, on en a pris plein les trous de nez! Sans parler des vêtements... et pas de douche ici...hummmmmm
Tout ça est chargé dans un camion rempli de glace et partira demain matin pour le grand marché de Chiclayo.
Nous partirons certainement en même temps qu’eux, et nous avons finalement passé deux jours agréables malgré la tension qui nous tenait en arrivant. Elle s’est dissipée grâce à la gentillesse de ces gens qui ne font pas des boulots faciles et que nombre d’entre nous ne voudraient pas faire.
Nous ne pouvons qu’admirer leur courage et leur force.
Voilà un carnet de voyage qui commence avec des petites fleurs et qui fini dans un bain de sang!
9 Novembre: Nous partons à 7h pour faire le maximum de route avant de passer la frontière Equatorienne. Nous n’aurons pas le temps de visiter l’Equateur car nous devons retourner en Argentine pour laisser le camion en gardiennage le temps de notre retour en France. Nous allons juste passer la frontière afin de renouveler notre autorisation temporaire de circuler au Pérou qui sera bientôt périmée afin de visiter ce que nous n’avons pas fait avant. Nous voyagerons en Equateur probablement fin 2010.
La végétation change peu à peu que la température monte. A Las Lomas, 50 bornes avant la frontière, il fait 30° et les cocotiers ont remplacés les arbres rabougris du désert de Sechura que nous venons de traverser. Notre bivouac de cette nuit est dur à trouver, des champs de manguiers à perte de vue bordent les routes et nous empêchent de nous installer. C’est dans le lit d’une rivière presque asséchée que nous trouvons notre emplacement. Des gars chargent des sacs de 30kg de tomates dans leur voiture, Thille se dégourdie les pattes et les épaules en leurs filant un coup de main. Ils auront chargé 55 sacs de tomates. Les gens ici sont très sympa. Le paysan et sa femme me donnent deux kg de tomates et n’ont pas voulu que je les payent. Prochain carnet.... avec EXPLORACY, Claude et Alain sont à notre recherche....