L’époustouflante route de chachapoyas

Le 20 Novembre: Nous partons pour Chachapoyas, une longue piste de 340 km que nous ferons en plusieurs jours. Nous traversons la campagne de Cajamarca, belle et paisible, une campagne qui nous fait faire un bond dans le temps, où les paysans labourent les champs avec leurs boeufs, ou à la main avec une bêche et où les éleveurs déposent les pots de lait sur le bord de la route pour être ramassés ensuite par les petits camions...

Une dame tisse un poncho dans son jardin, nous nous arrêtons pour la regarder faire, et lui poser des questions. Un mois de travail pour ce tissage. Très sympa, elle nous laisse l’envahir et même prendre des photos, à condition de lui en donner. Heureusement nous avons une petite imprimante qui sert bien dans ces moments là. Elle est très heureuse du cadeau, sans savoir que c’est elle qui nous en fait un beau.

Nous continuons ensuite jusqu’au village de Celendin, un village tout propre et fraîchement peint aux tons pastels où nous ferons étape pour le repas, au resto pour moins d’ un euro comme d’habitude, un presque poisson riz, mais il n’y en avait plus, alors ce sera poulet riz salade comme d’habitude... ou presque, et nous y resterons pour la nuit un peu plus haut dans la campagne.

21 Novembre: Nous sommes très matinaux, le soleil et le chant des oiseaux nous sortant du plume à 6h...

Et nous repartons pour une piste de plus en plus spectaculaire à chaque virage. Elle est si étroite et si haute par endroits qu’elle en est aussi impressionnante que la route de la mort en Bolivie. Même parfois plus car elle se déroule tel un serpent enveloppant les collines sur plusieurs km. L’avantage est qu’à chaque épingle nous changeons de côté, ce qui nous permet de voir les roues du camion au bord du précipice chacun son tour. Fort heureusement, il n’y a que très très peu de circulation.

La piste est très bonne, et le paysage nous épate tellement que même Thille prend du plaisir à conduire, chose très très rare! La pente est douce, les freins ne servent pas, et le décors nous enchante. Des orchidées en pagaille ornent les falaises, toutes ne sont pas en fleurs mais leur discrétion n’échappe pas à mon regard. Il y a tellement d’espèces que les botanistes et amateurs doivent se régaler ici. La chaleur se fait de plus en plus agréable, température élevée mais pas moite. Les cigales tropicales chantent en cri continu et nous commençons à voir de nombreux papillons. Les nuages sont nébuleux et en grand nombre mais laissent percer le soleil... à les observer, se détachants des montagnes bleutées, nous savons maintenant que nous sommes bien au pays du peuple des nuages, les Chachapoyas.

Au bout de cette longue descente, nous arrivons au village de Balsas à 870m, où nous croisons à cet endroit pour la première fois le fleuve Maranon, un affluent de l’Amazone sur lequel nous espérons naviguer prochainement.

L’ambiance est vraiment tropicale, nous zig-zagons sur une route bordée de manguiers, jujubiers, cacaoyers, avocatiers... tout ce qu’on aime.

A partir d’ici la piste remonte, toujours en douceur, les collines se veloutent d’une végétation plus rase, la chaleur disparaît progressivement, laissant place à un vent violent jusqu’au col de Maca Maca, à 3600m. Puis c’est de nouveau la redescente, la forêt plus dense, la chaleur agréable, et nous atteignons Leymebamba, un village dont on dit qu’il y a plus de chevaux que d’habitants. Cela nous interpelle grandement et devons vérifier ça par nous même. Nous nous arrêtons avant le village devant un musée à la structure imposante. Il est centré sur la culture Chachapoyas, ce qui nous offre une entrée en matière intéressante avant d’explorer la région.

En effet, nous ne regrettons pas notre visite, de belles momies dans leurs linceuls sont exposées dans une vitrine et de nombreux objets de leur culture y sont exposés, comme par exemple les quipus qui étaient des supports à l’écriture et au calcul lisibles par les différents types de noeuds plus ou moins complexes.

Nous y voyons aussi les sarcophages si célèbres faits de canes et de terre façonnée en personnages masqués et peints qui ont été retrouvés dans des nécropoles à flanc de falaise en pleine jungle. La culture du peuple des nuages est bien distincte de celle des pré-Incas.

Nous allons ensuite au village, et effectivement, la population chevaline est en force, les cavaliers dans les rues créent une ambiance cinématographique, on se croirait presque dans un western si les rues étaient de sable ou de boue...

Nous trouvons un hôtel qui fait office de bureau du tourisme, nous questionnons le propriétaire, nommé Julio Hidalgo, un nom de famille qui colle parfaitement aux lieux, (pour ceux qui connaissent le film!) afin qu’il nous organise une visite du site de la Congona à cheval. Celui ci nous propose même son parking pour y dormir. Nous avons tout pour être tranquille pour la nuit et passer une bonne journée demain. Soirée crêpes pour fêter tout ça.

22 Novembre: Nous faisons la connaissance de Sinecio, qui sera notre guide pour la journée, il nous amène un cheval chacun, petite race robuste et calme, tout à fait ce

qu’il nous faut car nous ne sommes pas montés depuis longtemps mais nos réflexes reviennent, pas de problème. Nous sommes tous les 4 ainsi que José Luis, un Basque très sympa, qui a décidé de se joindre à la balade. Le temps n’est pas au beau fixe, nous partons sous une petite pluie mais le temps s’améliore petit à petit.

La côte est rude, deux heures de montée au souffle des chevaux qui ont l’air d’en baver. Nous avons de la peine pour eux tout en ne regrettant pas notre choix car faire tout ça à pied nous en aurait fait baver encore plus que ces pauvres bêtes.

Nous arrivons dans une forêt humide d’altitude où nous descendons de cheval afin d’aller voir ces fameuses ruines de La Congona, des habitations circulaires Chachapoyas autour d’un bâtiment plus haut et plus épais qui serait, selon Sinecio, une prison ou une tour militaire. La situation de ce village surplombe toute la vallée. Ces ruines d’un millier d’années sont telles qu’elles ont été découvertes, aucun archéologue n’a encore entreprit de fouilles faute de moyen et sûrement aussi à cause de la difficulté d’accès. Nous avons l’impression d’être les premiers à les découvrir! La végétation envahissante semble indispensable au maintient des pierres qui menaceraient de s’écrouler sans elle.

La redescente sur ces chemins escarpés nous donne des sensations fortes, manquerait plus que le cheval glisse dans le fossé! Nous prenons congé de notre hôte au nom de cheval sauvage, et partons trouver un coin pour dormir, et c’est au bord du rio qu’une gentille dame nous permet de stationner gracieusement sur son terrain.

23 Novembre: Nous nous levons moulus comme si nous avions dansé la Lambada toute la journée d’hier, à épouser les mouvements des chevaux, nos reins non habitués s’en souviennent. Nous partons pour Kuélap, une forteresse construite par la civilisation Chachapoyas en l’an 800 après J.C.

Kuélap se trouve à 3000 m d’altitude, nous faisons donc une piste d’un dénivelé de 1200 m sur 37 km de nids de poule et de boue. Mais il faut bien la mériter cette belle forteresse, elle est étendue sur 7 hectares, comporte des murs épais fortifiés de 20 m de haut, et abritait au moins 3000 personnes dans 420 maisons circulaires.

Les ruines, assez bien conservées mais pas toutes défrichées, et tant mieux, semblent fantomatiques se dévoilant peu à peu derrière les nuages.

Certaines maisons étaient décorées de frises en zig-zag, symbolisant l’eau ou en losanges appelés yeux de serpents, décorations typiques de cette civilisation.

Les trois seules entrées étaient construites de façons à ce que les personnes ne puissent entrer qu’en file indienne, ce qui permettait de canaliser les invasions.

Nous ne regrettons pas d’avoir fait toute cette piste pour visiter ce merveilleux site archéologique dominant toutes les montagnes de forêt humide.

Nous décidons de ne pas y rester pour dormir et de nous avancer un peu pour la route de demain, et nous camperons sous la pluie qui ne nous a pas quitté depuis que nous sommes sortis de Kuélap.

24 Novembre: Nous voilà à Chachapoyas, la bourgade. Nous remarquons que pour une fois, cette ville est en recherche d’esthétisme, les écriteaux et indications sont sobres et de la même couleur foncée que les arcades et balcons des petits immeubles. Il y a une vraie harmonie, de plus, la population est très sympa.

Nous allons comme toujours au marché et nous y promenons avec plaisir car il est très varié en produits et en couleurs.

25 Novembre: Claude, Alain et moi décidons d’entreprendre une virée à Karajia, un site archéologique à 2h de route de Chachapoyas. Nous prenons un premier taxi collectif allant à Luya, le chauffeur roule  si lentement qu’il s’endort et manque de nous planter dans un poteau, en ayant la chance de ne pas être au bord d’un précipice, à y penser, nos poils se hérissent. Puis un deuxième nous menant à Cruzpata, un bled encore plus paumé que Luya au bout d’une piste boueuse, qui ne s’arrange pas avec le temps du jour. Puis nous marchons une demie heure sur des chemins encore plus boueux que la piste, nos chaussures restant collées dans la terre argileuse et ruisselante. Et enfin, nous arrivons à Karajia, le site qui se mérite encore plus que Kuélap.

Nous voilà après quelques glissades dans la bouillasse face à ces sarcophages datant de mille ans et toujours debout malgré les intempéries, pour certains, qui eux même font face à la vallée et la regarde tristement. Ces sarcophages fait de bois et de terre glaise, la même qui se trouve sous nos godasses probablement, n’ont jamais été ouverts. Seuls les objets et momies tombées au sol ont permit aux archéologues de faire l’hypothèse que ces tombeaux sont ceux de guerriers ou de chamans.

Nous voilà au bout de presque trois heures de galère face à ces six bidules en terre... qui nous rendent quand même silencieux à les observer.

On se questionne sur la façon dont ces sarcophages ont pu être acheminés jusqu’ici. Ils étaient peut-être fait sur place... La falaise est abrupte et friable, nous en voyons même un isolé et mutilé par le temps. Quelques os, omoplate ou côtes se trouvent au sol.

Nous remontons non sans difficultés la côte glissante de 2 km et sommes très heureux de constater qu’il n’y a aucun taxi pour nous ramener. Nous pensons très fort à Thille qui sentait le coup et a décidé de rester au soleil et a bricoler le camion à Chachapoyas. S’il nous voyait, il se bidonnerait!

Du coup, on commence les 27 km de descente jusqu’à Luya à pied, mais aucune voiture ne nous croise. En effet, les taxis montent jusqu’ici seulement s’ils ont des passagers à emmener à Cruz Pata, et c’est chose rare. On aurait dû s’en douter. Ce n’est qu’au bout de 8 km que nous débouchons sur un village où se trouve un pick-up bâché qui doit descendre. Nous lui sautons dessus afin qu’il nous emmène car les voitures sont denrées rares ici. Nous sommes soulagés de ne pas devoir dormir à la belle étoile qu’on ne risquerait même pas de voir tellement le temps est mouillé. C’est ainsi que nous rallions Luya, brinquebalés derrière le pick-up dans la benne pleine de...boue.

Nous trouvons en revanche rapidement un taxi pour Chachapoyas et arrivons complètement cassés et dégueulasses au camping pour raconter nos aventures à un Thille qui se fend la gueule.

Aller, une petite dernière sous un autre angle, juste pour dire qu’on n’a pas fait tout ça pour rien!!!

On décide de faire une virée en ville pour manger une pizza histoire de se remplir après une journée sportive à jeun, histoire aussi de saluer une dernière fois Chachapoyas avant de partir pour l’Amazonie.