La vallée Sacrée, Cuzco

26 Décembre: Nous quittons nos amis Stéphane, Anja et la petite Cosma avec l’espoir de nous revoir bientôt, Lima avec eux était beaucoup plus agréable. D’ailleurs nous avons passé le réveillon de Noël avec Stéphane, à traîner dans le quartier de Barranco afin de trouver une table, mais ce soir là, les restaurants sont fermés, alors on tourne et vire, et finissons par trouver, devinez quoi, une polleria! Et oui, un petit poulet pour Noël, ça nous changera! Heureusement, il y a des biftecks, ce sera alors steak frites, ça nous va très bien.

Pour le 25, nous allons dans un cinéma super moderne avec salle en 3D pour aller voir Avatar, nous passons un bon moment, et les films en espagnol, ça entraîne pour la langue.

Nous partons donc pour une route longue, très longue, et haute, encore des cols à passer, cela n’en fini pas. Nous faisons une pause pour dormir au dessus de Nazca et observons le désert qui se teinte au coucher du soleil.

27 Décembre: Nous roulons depuis hier et pas un contrôle de police, tient tient... en revanche, nous passons de nombreux péages avec toujours cette même longue négociation pour prouver que nous sommes un VL, et donc ne sommes pas concernés par le tarif des poids lourds à triple essieux.

A la descente du dernier col, nous nous retrouvons sous une pluie battante, l’affluent de la rivière Apurimac que nous longeons est déchaîné, les falaises s’effritent et les cailloux pleuvent. Nous les voyons rouler devant nous, l’un d’eux frappe le pare-brise qui par miracle n’éclate pas en miettes. Il est vraiment temps de s’arrêter, il ne faut pas jouer trop longtemps avec la chance, nous repensons aux 9 morts sous un éboulis sur la route d’Ayacucho.

Le parking du dernier dernier péage va nous servir d’abri pour la nuit.

28 Décembre: Le temps s’est amélioré, après encore 4 bonnes heures de conduite nous voilà enfin à Cuzco, ou Cusco, ou même en Quechua, cusq’o, le nombril du monde, mais aussi la ville la plus charmante du Pérou. Nous arrivons au camping sur les hauteurs de la ville, éreintés, mais heureux de retrouver nos amis Québécois Suzanne et André.

29 Décembre: Nous descendons visiter un peu la ville, et sur le chemin, le hasard qui fait si bien les choses, nous met à nouveau sur la route de Gwen et Ludo, le couple que nous avions rencontré en panne d’amortisseur à Chachapoyas, et qui parcoure l’Amérique du Sud à moto. Le rendez vous est fixé pour ce soir, on va boire une bière et manger une pizza, ça c’est sur!

En attendant, nous réfléchissons à ce fameux boleto turistico, qui, très cher, ne nous permet de visiter que certains site intéressants, d’autres beaucoup moins que nous n’irons pas voir, mais ne comprend pas ceux qui nous intéressent le plus... comme les salineras et le fameux Macchu Picchu. Pire encore, si nous voulons n’en visiter qu’un, le droit d’entrée est de 70 soles! Tout ça pour forcer les gens à acheter le boleto.

Nous décidons finalement de tricher un peu, et de visiter de loin le site de Saqsaywaman, ou «faucon satisfait» qui se trouve contigu au camping.

Nous le visitons très bien de l’extérieur, sans subir la foule.

Ce site est un ensemble de belles pierres taillées dont ne restent que celles que les Espagnols n’ont pu enlever à ce site militaire et religieux afin construire leurs maisons. C’est à dire les plus lourdes.

En faisant le tour par derrière, nous nous retrouvons face à une roche énorme qui était assurément celle d’où naissaient certains blocs.

Nous traînons un peu à Cuzco, mais la flânerie est vite interrompue par les racoleurs si nombreux que nous passons notre temps à dire des no gracias à tout bout de champ. Nous ne pouvons pas non plus admirer la cathédrale assis sur un banc sans se voir proposer un cirage de pompes, des massages, des fausses Ray-ban, des babioles, de l’artisanat, bref, nous nous sentons agressé comme par une nuée de moustiques, cela nous fait fuir pour la journée car je pense que nous sommes encore trop fatigués de la route et les no gracias avec le sourire vont finir en foutez le camp y’en a marre!

Mais comme nous ne voulons pas être désagréable, nous rentrons au camping.

L’heure de notre rencard avec nos amis motards arrive et nous pouvons alors admirer la cathédrale de nuit cette fois.

Nous allons boire des bières dans un pub Irlandais, super local je le consent, mais bien sympa. Nous finissons dans une pizzeria, local cette fois car les pizzas n’ont rien d’Italiennes!

30 Décembre: Nous descendons à nouveau à Cuzco pour en profiter mieux. C’est vrai que cette ville mérite son inscription au patrimoine mondial de l’UNESCO. Les balcons sont en bois sculptés, les ruelles sont pavées et les constructions, pour certaines, reposent sur des fondations de l’époque Inca, qui n’ont pas bougé lors des différents tremblements de terre.

Le temps à cette saison est si instable qu’il ne se prête guère à la photographie, c’est dommage car sous un rayon de soleil, la beauté de la ville se révèle en un éclair.

31 Décembre: Nous décidons de faire la vallée Sacrée en compagnie de Gwen et Ludo qui en ont déjà visité une partie. Nous nous donnons donc rendez-vous ce soir pour le réveillon. Entre temps, nous visitons Urubamba, un village pas touristique mais en pleine effervescence, ce soir c’est la fête!

Nous sommes surprit par les étals dans la rue qui ne vendent que des articles jaunes, guirlandes, culottes, confettis, ainsi que l’incontournable panétone qui fait fureur partout au Pérou pendant les fêtes. Nous questionnons les gens sur le pourquoi de la couleur jaune, ils nous répondent que c’est pour le nouvel an. On s’en serait douté, mais pourquoi jaune? Nous n’en saurons pas plus.

Nous nous offrons un poulet frite dans la rue pour fêter cette journée, puis nous faisons le tour du marché, comme d’habitude, car c’est le coeur des villages.

Nous retrouvons Gwen et Ludo au camping d’Urubamba, où se trouve aussi toute une bande de leurs copains (Français, Argentin, Espagnols) qui ont passé la journée à préparer cocktails et pizzas. Le camping se prête tout à fait à ce genre de soirée, cuisine et four à pain permettent de cuisiner tout ce qu’on ne fait pas pendant le voyage. Les filles ont même fait des tartes aux fraises avec crème pâtissière et crème anglaise, le grand luxe.

Nous goûtons à une spécialité argentine que nous ne connaissions pas, un gâteau de salade: une crêpe, du jambon, mayo, avocat, tomates, crêpe jambon mayo avocat.... riche mais bon.

Nous profitons de cette page pour les remercier tous car nous sommes arrivés là un peu par hasard et n’avons pas participé aux préparatifs. Et au passage, vos pizzas sont les meilleures qu’on ait mangé jusque là sur ce continent!

1er Janvier 2010: Aujourd’hui nous poursuivons dans la vallée par la visite de Ollantaytambo, un village de 2000 habitants qui a su conserver la beauté de l’architecture Inca. Les ruelles sont pavées, une rivière coule au milieu du village, les habitants sont pour la plupart vêtus d’habits traditionnels, surtout qu’aujourd’hui se déroule une cérémonie dont nous ne comprenons pas le sens puisque tout est énoncé en Quechua.

Les figurants en costume traditionnel arrivent en rang tout en soufflant dans des conques dont le bruit étrange et sourd attire toute une foule de spectateurs.

La forteresse qui se visite elle aussi avec ce fameux boleto peut s’admirer d’en bas également, de plus, la montagne y faisant face possède elle aussi des ruines bien conservées de l’époque Inca, avec un avantage: elles sont gratuites! Mais il faut grimper un sentier de cabri bien escarpé.

Nous prenons tout notre temps car nous attendons nos motards préférés pour continuer ensemble. La soirée d’hier s’est terminée plus tard pour eux car ils jouaient à domicile, ils ont dû faire une petite grâce matinée réparatrice avant de reprendre le guidon.

C’est reparti pour de la grimpette en haute montagne. Ludo crève son pneu avant, pour une fois ce n’est pas nous, et pour lui, c’est la première de l’année, et du voyage. On doit porter la poisse à ce sujet!

La vallée est splendide, les nuages se dissipent un peu et nous laisse entrevoir ce que ce paysage doit être à la bonne saison. Des cascades dégringolent de tous les flancs des montagnes, la saison des pluies est bien installée.

Nous passons un col à 4300m, nos amis sont loin loin devant bien sûr et deux jeunes nous doublent à moto cross. Deux virages plus loin, l’un d’eux est dans le canal qui borde la route, la moto par terre, l’autre nous fait signe d’arrêter. Nous courons à lui, le diagnostique n’est pas beau, les deux poignets sont cassés, dont un à fracture ouverte, et le fémur est brisé. Ce n’est pas l’endroit ni le jour pour un accident de ce genre.

Alors dans ces cas là, on est vraiment désemparé, mais une chose est sûre, il faut le charger dans la camionnette en gardant son sang froid. Notre bonne vieille ambulance reprend du service. Thille le soulève mais la jambe se désarticule et le jeune souffre le martyr. L’autre gars et moi portons les jambes, le voilà assis dans le pinz, bien calé entre les coussins et oreillers. Je m’installe derrière avec lui pour lui parler et l’aider comme je peux.

Cuzco est à 3 heures de route, et nous savons qu’à une demi-heure se trouve un village où nous espérons trouver un poste de santé comme il y en a beaucoup ici avec une ambulance qui pourrait le rapatrier sur Cuzco.

Nous passons devant une ambulance 5 min plus tard mais le gars casse la croûte avec sa famille et ne souhaite pas prendre en charge Andrew, notre jeune Canadien de Toronto.

Il y a soit disant à 1 demie heure un poste de santé bien équipé à Alfamayo... on en doute mais nous y allons. Nous retrouvons sur la route un autre de ses compagnons à moto qui par chance a sur lui un antalgique assez fort et lui injecte.

Nous continuons la route mais pas pour longtemps, des voitures sont bloquées devant un torrent qui dévale et défonce la route. Gwen et Ludo nous attendaient là. Nous leur apprenons la nouvelle. Gwen, infirmière, vient voir notre blessé pour le rassurer un peu. Nous ne savons pas quoi faire, Thille tente le coup et notre ambulance passe l’épreuve sans problème. Gwen et Ludo arrivent aussi à passer avec de l’eau jusqu’aux mollets.

Nous trouvons le poste de santé, un homme arrive et soulage Andrew à nouveau avec une injection, lui bande le poignet ouvert, mais colle du coton sur la blessure, ce qui nous déconcerte carrément. Il ne peut rien faire de plus nous dit il, pas d’ambulance. Nous commençons sérieusement à regretter de ne pas avoir fait demi-tour pour Cuzco.

Il nous dit qu’un autre poste de santé avec rayons X se trouve à Une autre demie heure d’ici, à Huyro, et qu’ils va les contacter pour prévenir. Nous filons, mais à partir de là, la route n’est plus asphaltée et c’est une mauvaise piste à nids de poule qui torture Andrew dont le courage nous étonne. Une demie heure plus tard, nous ne sommes pas à Huyro, et la police nous dit qu’il faut encore 45 min pour y arriver. Nous sommes en colère. L’effet de la drogue commence à se dissiper, Andrew est blème, les mains froides et le corps brûlant. Nous arrivons à Huyro, une infirmière empotée ne s’inquiète pas le moins du monde pour lui, nous dit qu’ici il n’y a rien, et que le gars du poste d’avant ne lui a pas téléphoné. Nous lui demandons de téléphoner pour réclamer un hélicoptère à Lima. Celle ci refuse d’utiliser le téléphone. Les deux Colombiens qui accompagnaient Andrew à moto vont dans un locutorio pour appeler les urgences, mais ils ne souhaitent pas envoyer d’hélico, rien pour se poser soit disant, et pas un 1er Janvier. Il y a un stade de foot à côté qui pourrait accueillir l’hélico, nous sommes en rage!

Elle nous dit d’un air nonchalant qu’il y a un vrai hôpital à Quillabamba, à une heure d’ici. C’est parti, la route est vraiment mauvaise, les rivières sortent de leur lit et dévalent la piste à plusieurs endroits. Nous sommes secoués comme des pruniers à l’arrière.

Il commence à faire nuit, la route nous paraît interminable, alors nous imaginons ce que ce doit être pour notre jeune Canadien. Il ne se plaint pas, souffre en silence et arrive toujours à discuter un peu avec moi. Nous sommes toujours escortés par les deux jeunes Colombiens, mais l’un d’eux, choqué, ne peut plus conduire et tombe deux fois. Gwen prend alors sa moto et lui monte avec Thille à l’avant.

Nous arrivons à Quillabamba de nuit, cela fait presque 4 heures que nous sommes baladés de village en village, mais le fameux hôpital est là, nous sommes tous soulagés.

Mais le pauvre Andrew n’est pas au bout de ses peines. Il n’y a pas de coton ni de bandages, l’infirmière envoie les Colombiens acheter le tout avec le porte monnaie d’Andrew à la pharmacie du coin.

Nous ne comprenons pas, il est depuis plus de 30 min dans une salle et personne ne s’occupe de lui, nous sommes obligés de réclamer un antalgique pour lui car personne ne s’inquiète de sa douleur... un médecin arrive finalement et lui fait des attelles avec du carton!

Ici, un fémur cassé, deux fractures des poignets dont une ouverte n’est pas une urgence. En plus, pour achever de nous abasourdir, et de nous dégoûter, ils nous annoncent qu’ils ne peuvent rien faire, qu’il faut qu’il retourne à Cuzco en ambulance. Il partira cette nuit. Nous avons fait tout faux.

Nous allons à l’hôtel après nous être assurés qu’Andrew allait un peu mieux et lui dire qu’on le reverra à Cuzco.

Nous sommes choqués de l’attitude des personnes du corps médical que nous avons croisé sur le chemin.

Nous avons eu et avons encore très peur pour lui.

Nous sommes impressionnés par son courage.

Toutes nos pensée vont vers lui cette nuit.

Sera t’il bien soigné au Pérou?

Ce que nous savons maintenant, c’est qu’ici, la notion d’urgence n’est pas la même qu’ailleurs et que tout le monde s’en fout.

Si nous n’étions pas passés par là à ce moment là, combien de temps serait-il resté sur le bord de la route?

Aurait-il fini à l’arrière d’une bétaillère sans personne pour prendre soin de lui? Nous sommes dégoûtés.