22 Août: Nous nous levons tôt car nous sommes invités à prendre le petit déjeuner chez Sandro, Sueli et Diego. C’est le moment de se dire au revoir, mais Sandro propose de nous rejoindre Mercredi à Poconé pour que nous fassions la Transpantaneira ensemble. L’idée nous emballe, nous allons passer encore un peu de temps réunis.
La route se fait bien malgré la chaleur, les ipês sont en fleur, jaunes, roses, blancs.
Nous arrivons à Poconé et allons nous garer derrière le restaurant qui se trouve à l’entrée de la transpantaneira. Nous arrivons à négocier le prix et le faisons baisser de moitié pour le stationnement avec la douche car nous trouvions exagéré de payer 15 euros pour passer la nuit sur un parking.
Poconé est une petite ville de 22000 habitants, très calme malgré sa situation géographique qui la place à l’entrée de cette fameuse piste très touristique qui traverse une partie du Pantanal: la Transpantaneira.
23 Août: Nous relevons nos emails et apprenons par Sandro qu’ils ne viendraient que Jeudi, alors pour ne pas rester dans ce parking sans rien faire, nous décidons que demain matin nous irons très tôt dans une pousada avec piscine à l’entrée du premier pont pour en profiter le plus possible étant donné le prix pratiqué pour la nuit.
24 Août: Nous arrivons au Km 17 à la pousada Portal paraiso. On nous demande 25 réais par personne, ce qui fait 22 euros par couple. Pas moyen de négocier un centime. Thille va faire l’état des lieux, les toilettes sont une marre de merde. Dommage, le patron n’est pas là, on aurait bien aimé lui dire le fond de notre pensée. L’employé de service sera mis au courant que nous sommes très déçus de voir comment les touristes sont traités ici.
Alors on va faire un tour sur la piste pour que la journée ne soie pas gâchée, et là, au niveau du deuxième pont, c’est l’orgie de jacarés, des centaines sont là à se prélasser, se grimpant dessus en faisant grincer leur cuir, d’autres la gueule ouverte comme un bâillement qui n’en fini pas, ou d’autres si immobiles qu’on ne les voit même pas respirer.
Humm, très discret le chapeau lilas d’eau. Nous sommes aussi impressionné par le fait qu’aucun animal n’a peur de ce prédateur aux dents si longues qu’elles passent à travers la peau du museau. Les vaches paissent tranquillement au milieu, tout comme les capibaras, sans se soucier d’un éventuel coup de gueule d’alligator.
L’observation des animaux ici est bien plus facile qu’en Amazonie où ils se cachent derrière une végétation épaisse et sombre. Ici, lors de la saison sèche, d’Avril à Octobre, les prairies sont à découvert, les arbres sont dégarnis, les paysages sont très ouverts.
Le Pantanal, qui signifie marécage en Portugais, est une vaste plaine alluviale située au centre de l’Amérique du Sud. Elle s’étend sur 210000 km2 à cheval sur la Bolivie et le Paraguay qui s’en partage 100000 km2 à eux deux, soit grand comme la moitié de la France.
Les déplacements dans cette plaine sont très difficiles puisqu’une partie de l’année les eaux de pluie et le débordement des rivières recouvrent la majorité des terres. Les rares habitants du pantanal utilisent donc des bateaux pour circuler et les exploitations agricoles sont quasi impossibles ce qui favorise le développement de la faune dans ce riche habitat.
La Transpantaneira est une des rares piste qui traverse en partie le Pantanal. C’est une piste de terre surélevée de 145 km entrecoupée de 122 ponts de bois qui fut commencée en 1973. Cette route devait faire le triple de distance et arriver à Corumba plus au Sud, mais par manque de fonds celle-ci s’est arrêtée à Porto Jofre, au bord du fleuve Cuiaba.
C’est donc un cul-de-sac, et à moins de trouver une barge pour nous transporter jusqu’à Corumba pour éviter de faire marche arrière et de nous farcir une boucle de 1200 km autour du Pantanal, nous devrons faire demi-tour.
Le soleil de midi nous brûle la peau, il fait 46 degrés à l’ombre des buissons, mais cela ne nous empêche pas de poursuivre la piste sur une dizaine de km jusqu’à un nid de Tuiuiu dans un ipê rose fleuri magnifique, dans lequel se trouvent 4 petits.
Ce fameux Tuiuiu, emblème du Pantanal, que l’on retrouve dans toutes les chansons folkloriques, dans tous les tableaux d’artistes pantaneiros, et sculpté pour tous les magasins d’artisanat est si majestueux que l’on comprend pourquoi il suscite tant d’intérêt. Cette cigogne d‘ 1,40 m qui peut peser 8 kg et son envergure atteindre 3 mètres construit son nid dans des arbres plutôt hauts, dégarnis ou morts pour se facilité l’envol ou l'atterrissage.
Son régime est composé de poissons, mollusques et insectes, c’est pourquoi il ne vit qu’aux abords des rivières ou des lagunes. Il est très utile au niveau écologique puisqu’il débarrasse les marres en manque d’oxygène en saison sèche des tonnes de poissons morts.
Son long bec de 30 cm semble sourire en permanence, il porte sur lui la bonne humeur Brésilienne.
Nous croisons un groupe de zébus Brahman mené par les gauchos du Pantanal, un peu perturbés et apeurés en passant devant nous et nos véhicules.
Nous retournons à la Churrascaria où nous campons après avoir cuit toute la journée. Avec un peu de miel badigeonné on pourrait nous confondre avec des pains d’épices, sortis du four et saupoudrés de poussière.
25 Août: En attendant la famille Da Silva Paula nous mangeons à la churrascaria, ce qui les fait arriver. Nous sommes contents de nous retrouver et partons ensemble sur la piste à l’odeur capiteuse des buissons fleuris..
Mais nous prenons un peu de distance car faire une piste pour observer la faune sauvage en convoi n’est pas une très bonne idée. Les derniers arrivés sur un point stratégique ne voient plus rien, les animaux se sont fait la malle.
Nous avons la chance d’observer un veado campero, un daim très discret qui ne sort qu’entre le crépuscule et l’aube, mais il faut croire qu’il est aussi enclin à se nourrir en plein jour.
Après avoir parcourus 40 km, nous nous arrêtons à pousada rio Claro pour camper. Le prix est à peine plus correct qu’au Portal Paraiso mais les sanitaires sont très propres. Nous passons une très belle soirée à boire bien frais grâce à la glacière très bienvenue de Sandro. Le coucher de soleil est un de nos moments préférés, les couleurs sont flamboyantes et aussi chaudes qu’ont été les températures du jour.
26 Août: Réveil très très matinal, à cause d’un groupe d’oiseaux Arancua, poussant des cris répétés et enroués dont l’écho revient d’un groupe plus loin et nous cassent littéralement les oreilles. Impossible de faire la grâce mat, à 4h30, nous sommes presque tous réveillés à attendre le lever de soleil.
Nous reprenons la route pour Porto Jofre, le terminus de la Transpantaneira. Le paysage passe de très sec à très verdoyant, la végétation est plus dense à mesure que nous nous enfonçons dans le pantanal.
Nous voyons ce matin un couple du cousin du petit daim des prairies, le cerf des marais, ou veado-galheiro, puis un autre nid de tuiuiu, encore avec 4 petits, un peu plus âgés que ceux que nous avons vu hier. Nous l’observons faire ses allers-retours pour nourrir ses oisillons. Selon Sandro, le Tuiuiu ne pond que deux oeufs en général. S’il en fait plus, c’est que les conditions de vie sont optimales.
garça royale
Colhereiro
Nous arrivons à Porto Jofre, au bord du fleuve Cuiaba. Porto Jofre n’est pas un village. Il n’y a rien, pas même un ponton pour accoster les barges. On n’y trouve qu’un hôtel de luxe avec une piste d’atterrissage pour CESSNA ou hélicos, et un camping. 500 euros la nuit pour une chambre ne nous dit rien finalement, on va opter pour le camping. On préfère le bruit du générateur au ronron de l’air conditionné!
Et puis dans ce camping, il y a un couple de aras hyacinthe qui niche dans le tronc d’un arbre. Nous ne nous lassons pas de le prendre en photo. Ce ara bleu cobalt d’un mètre de long est fidèle en amour et lorsqu’il trouve son compagnon de vie, c’est pour toujours. C’est le plus grand perroquet du monde, et son magnifique plumage en fait fait une cible privilégiée des braconniers. Espèce menacée, quelque 10000 aras hyacinthe ont disparu dans les années 80 chacun valant des milliers de dollars aux USA. Il ne vit que dans le Pantanal et sa population est recensée à 3000 individus seulement. C’est une chance de l’observer.
Periquito
Diego et Sandro aimeraient bien que l’on goûte à la spécialité pantaneira par excellence, le piranha frit! Comme appât, rien de mieux que de petits poissons attrapés à la ligne par Diego, une petite canne de bambou, un fil et un petit hameçon et à chaque jeter, un petit coup sec et hop voilà une petite sardine de rivière, hop un petit piranha par là. Ceux-ci même petits sont vivaces et voraces, Sandro se fait mordre au sang par cette petite bouche aux dents pointues.
Avec ces prises, Seb se met au moulinet, et après plusieurs touches manquées, voilà le premier piranha que l’on va bouloter ce soir.
Pas bêtes les jacarés, ils ont bien vus que nous prenions des poissons alors ils avancent doucement dès que nous envoyons la ligne. Ils aimeraient bien manger sans se fatiguer en nous volant nos prises, le tout est de ne pas en prendre un à l’hameçon car nous serions bien embêtés pour le dégager. Il faudra tirer à la courte paille qui ira mettre les mains dedans!
Seb en prend 6, pas énormes mais bons pour la friture et Sandro m’invite à essayer de pêcher pour que nous en ayons un septième, soit un chacun à manger. Je ne suis pas douée mais j’arrive quand même à sauver l’honneur!
Sueli et Sandro se mettent à la tâche, c’est beaucoup de travail à préparer, pendant que nous nous battons avec toutes les armes que nous avons contre les moustiques. Vêtements à manches longues, répulsif, fumée de feuille de bananier, spirales... pendant une bonne heure c’est nous qui nous faisons dévorer. Puis ça passe, et on se met à table pour déguster la petite friture du fleuve Cuiaba.
27 Août: Sandro se renseigne pour nous concernant les barges éventuelles pouvant nous emmener jusqu’à Corumba, le long du fleuve Cuiaba. Il y en a effectivement une qui nous ferait un bon prix, mais elle se trouve à une heure en amont du fleuve, et après plusieurs tentatives d’appels téléphoniques, Sandro n’a pu les joindre pour leur demander de venir nous chercher. Le téléphone à Porto Jofre ne fonctionne que de 6 à 8 h du matin, puis de 18 à 23 h, ce qui n’est pas pratique et il ne peuvent pas attendre 18 h ce soir pour rappeler pour nous.
C’est une déception d’avoir un bateau si près de nous et de ne pouvoir le joindre. Et malheureusement le prochain est dans 6 jours, ce qui coûterait finalement plus cher en comptant le camping qu’en prenant la route.Tant pis, nous ferons le chemin en sens inverse, et nous ferons tout le tour du Pantanal, ce qui implique plus de 1200 km à faire.
Nous disons à nouveau au revoir à nos amis car ils vont aller plus vite que nous sur la piste. Et là, nous ne savons pas quand nous allons nous revoir, ils vont nous manquer sérieusement et nous en sommes vraiment chagrinés. Lorsque qu’en voyage nous rencontrons des personnes aussi belles, sincères, intéressantes et affectueuses, nous nous aimons tout de suite, nous n’avons pas le temps de faire autrement, ce mode de vie qui fait que nous ne sommes que de passage partout où nous allons implique un intérêt fort et immédiat pour toutes les personnes qui nous intègrent parmi les leurs et qui partagent un bout de leur vie avec nous. Nous les remercions de tout coeur, nous pensons également à Sebastiao Mendes et Elizette qui nous ont ouvert leur porte, ainsi qu’à tous nos amis Argentins qui nous manquent beaucoup dans ces moments de séparation car nous ne savons pas quand nous nous reverrons tous.
Mais ce fut une séparation encore ratée! Un pont nous réunit à nouveau, il n’était pas en très bon état à l’aller, et il est carrément cassé sur un côté au retour. Sandro a passé une heure avec Diego à rassembler des planches pour pouvoir passer.
Du coup, nous nous arrêtons au bar à mi chemin pour se rafraichir ensemble. Des singes capucins viennent manger les graines du palmiers, et un toucan vient lui aussi au bar pour se désaltérer.
Nous prenons notre temps pour le retour et laissons un peu d’avance à nos amis pour ne pas prendre la poussière dans les trous de nez et nous nous arrêtons devant les termitières pour en évaluer la hauteur.
Nous nous retrouvons ensuite à Poconé pour manger une pizza ensemble car ils ne sont pas plus forts que nous question séparation, une manière de profiter de cette journée jusqu’au bout le plus possible. Les pizzas de Poconé ne valent pas celles de Caceres, mais le festival folklorique qui commence ce soir sur la place nous donne l’impression d’y être, ça rappelle déjà de nombreux souvenirs et cela nous console un peu.
une Bestiole à 6 pattes