11 Juillet: Le passage de frontière n’est jamais une partie de plaisir. Parfois il n’y a pas d’attente, comme c’est le cas aux pasos internationaux généralement très hauts dans les Andes entre le Chili et l’Argentine, mais parfois, c’est la guerre des nerfs. Une queue qui n’avance pas sous un soleil de plomb commence à faire tourner en rond nos deux lions en cage.
C’est un peu désorganisé...hum hum. Il nous faudra deux bonnes heures pour faire les papiers nécessaires. Les douaniers Boliviens nous accordent 90 jours sans rouspéter. Et les policiers à la sortie de la douane nous demandent une petite contribution très aimablement. Je dis que je n’ai pas de Bolivianos alors ils me disent qu’en pesos ça fera l’affaire, et que je dois donner selon ma conscience, ce que je veux. Je leur laisse deux billets de deux pesos argentins et ils paraissent satisfaits. Si j’ai donné, c’est que j’ai vu les Boliviens eux même le faire automatiquement, ce n’est donc pas une extorsion d’argent parce que nous sommes des gringos. C’est normal en Bolivie de donner un peu aux flics.
Nous retrouvons le désordre Bolivien avec plaisir, les mamitas qui font des jus de fruits, les tous petits prix des repas, la déco funky-kitsch des restos. Le changement nous fait du bien.
Nous roulons quelques dizaines de km avant de trouver une piste qui mène dans une campagne où coule un ruisseau. Nous y trouvons refuge, douche dans l’eau fraiche, petite lessive, limonade, parfait.
Le soir, les grillons, batraciens et autres animaux non identifiés nous gratifient d’un concert nocturne fabuleux. Des sons que même nos ronfleurs de Caïmancito n’auraient pu couvrir.
Fermez les yeux et lancez la petite bande son. J’espère que ça marchera et que vous pourrez entendre toutes ces bestioles que j’ai enregistrées. Et bien m’en a pris, à 11 h du soir, une voiture se gare près de nous tous phares allumés. Les policiers... on aimerait bien faire les morts mais ils vont taper à la paroi jusqu’à ce qu’on sorte.
Question des policiers: Qu’être vous en train de faire?
Réponse: ben...on dort!
Les policiers: Vous ne pouvez pas rester ici, c’est trop dangereux.
Nous: En fait, c’est plus dangereux pour nous de conduire la nuit avec tous les animaux en liberté et de ne trouver qu’un bord de route pour dormir alors que d’énormes camions passent que de rester dans cette rivière à la campagne bien tranquilos.
Les policiers: Non, malheureusement c’est interdit c’est dangereux.
Nous: Mais, on est très très fatigués on a conduit mucho mucho et il nous faut du calme...
à court d’argument, et devant l’insistance polie des policiers, nous devons nous rendre, et partir en pleine nuit trouver un refuge.
C’est évidemment sur le bord de la route dans un renfoncement où passent des camions mahousses toute la nuit que nous nous posons finalement. Bien moins dangereux n’est-ce pas?
Nous pensons que les paysans du coin ont eu peur de nous et se demandaient ce que nos genres d’australopithèques pouvaient bien faire ici dans leur coin. La police a fait ce que la police doit faire: rassurer les gens en faisant partir le plus diplomatiquement possible les étrangers qui ne dérangeaient pas pour autant. Mais la Police doit garder sa fierté quand même.
12 Juillet: Le chant des camions a remplacé celui des crapauds. Mais la nuit fut correcte.
Nous allons dans le canyon de Pilcomayo, (repaire du jaguar en Guarani) juste après la ville de Villamontes où nous faisons nos courses au marché central. Ce sont des gorges en plein dans le Parc National Aguarague, la réserve d’eau potable de la région. C’est aussi un endroit très prisé des pêcheurs qui attrapent le Sabalo et des salmonidés.
Difficile de trouver un endroit adéquat à un campement dans les gorges, mais nous en dénichons un, où se trouvent quelques abris abandonnés. Les pêcheurs ont aménagés des bases de pêche avec tentes igloos et abris de fortune.
Toutes les façons de pêcher sont bonnes, au filet, en barque à la cane, à l’épuisette.
Les Boliviens sont très amicaux, ils viennent nous parler volontiers et l’un d’eux nous demande si on peut jeter un oeil sur son scooter jusqu’au lendemain matin car il va pêcher toute la nuit.
Puis nous faisons la rencontre de Ricardo, un environnementaliste qui nous explique que la pêche est sinistrée ici. Le rio Pilcomayo est à la source du rio Parana qui se jette dans le delta de la Plata, en Argentine. Les Argentins ont construit un barrage sur le Parana il y a deux ans, qui empêche les salmonidés de remonter et le processus de reproduction est alors interrompu. Là où nous sommes, plusieurs camions pouvaient être remplis par jour, et 15000 familles vivaient de cette pêche providentielle. Maintenant, seuls quelques hommes essaient de vivre en vendant les quelques poissons, surtout des sabalos pleins d’arêtes pris après des jours et nuits d’efforts.
Ces petits abris abandonnés où nous campons étaient avant cette crise des cabanes de vente.
13 Juillet: Le gars dont nous avons gardé le scoot nous offre en remerciement 2 Sabalos. C’est très gentil de sa part. Comme ça fait juste pour 4, nous allons voir les pêcheurs en bas pour leur en acheter deux de plus, mais ils n’ont plus de saumons. Ricardo nous a dit qu’avant on pouvait les acheter à 1 boliviano pièce, soit 10 centimes d’euro. Aujourd’hui, comme le stock s’amenuise, ils les vendent 25 Bolivianos! Et c’est vrai, nous les payons ce prix là.
Nous renonçons à les faire en sashimi car ils sont impossible à dépiauter. Seb et Thille se chargent du découpage et on va se les faire frits.
Et en effet, c’est plein d’arêtes. Seul le Thillou qui doit avoir la bouche en cuir se régale.
Les pêcheurs sont là d’Avril à Octobre, ils campent là pour pêcher jour et nuit.
Certains viennent de Tarija (à plus de 200 km d’ici) pour acheter aux pêcheurs tout ce qu’ils peuvent.
14 Juillet: Nous quittons cet endroit agréable où les gens sont très amicaux pour aller à Camiri. Il faut qu’on trouve un cyber café pour lire les mails car j’ai l’impression que mon premier petit neveu est né, alors il faut que je vérifie.
Camiri est une ville très jolie où les cabines téléphoniques sont en forme d’oiseau, ou l’ambiance est très décontractée et tropicale. Nous faisons un tour au marché et découvrons une friandise qu’il faudra qu’on refasse en France: des brochettes de fraises trempées dans un bain de caramel fin saupoudrée de noix de coco, ou de gros grains de raisin sans pépin. Le stand est envahi d’abeilles aussi attirées que nous par ces bonbons aux fruits.
Nous mangeons notre dessert avant notre repas, et allons au restaurant car nous sommes au pays où manger au resto est moins cher que de faire ses courses. Et on ne va pas se priver.
Je vais faire de l’internet et mon pressentiment était juste, le bébé de mon frère est né, alors bienvenue à toi petit Sacha. T’auras droit à un feu d’artifice à tous tes anniversaires petit veinard!
Nous allons nous poser au bord du fleuve, une baignade sera la bienvenue car il fait toujours très très chaud, et on ne s’en plaint pas du tout.
L’accès à la berge est facile, mais pour être seuls, ils nous faut traverser le rio Parapeti. C’est là qu’on est contents d’avoir des véhicules avec une belle garde au sol.
L’endroit est magnifique, seuls les Guaranis habitants les berges vont et viennent en nous saluant, traversant chaque matin et soir le fleuve à pied pour se rendre à l’école ou au travail.
Nous sommes bien heureux de pouvoir nous baigner à loisir, la tranquillité et la beauté des lieux nous redonne goût au voyage, là, on se sent vraiment bien. Sauf lorsqu’on commence à se gratter les pattes et les bras la nuit, les mouches de sable piquent, et on s’étonne de voir comment une si petite bête, plus petite qu’un moucheron, peut faire autant de dégâts. Nous sommes plein de boutons et le Thillou qui s’est fait piquer le visage et les yeux ressemble à Tyson après un match loupé.
15 Juillet: Comme la ville est toute proche, on décampe pour aller de nouveau au restaurant. On change pour un autre où les portions sont gargantuesques et bien présentées. Et comme d’habitude, on fera l’impasse sur le souper.
Si je vous dis pour combien on a mangé et bu, vous ne nous croirez jamais. On a l’impression que l’inflation n’a pas vraiment touché la Bolivie.
Après avoir bien profité de Camiri et ses délices, nous décidons de partir demain matin pour arriver à Santa Cruz de la Sierra, la plus grande ville de Bolivie aux portes de l’Amazonie, le Samedi après midi pour ne pas être pris dans la circulation.
16 Juillet: Nous voulons prendre du carburant et le pompiste nous annonce un prix double pour les plaques d’immatriculations étrangères. Le gouvernement prend en charge les taxes sur les combustibles, et ici, ce n’est pas pour en faire profiter les étrangers! Alors nous allons vers une autre station qui nous refuse carrément... je lui dis qu’il n’a qu’a fermer les yeux sur notre plaque et faire comme si nous étions Boliviens, mais cela ne marche pas. C’est alors que le pompiste nous donne la tactique: Garez vous derrière et venez avec vos bidons!
On ne comprend pas bien la manoeuvre puisque nous faisons cela sous le nez du patron et des militaires en poste, tout le monde nous a vu nous garer. Mais bon, s’il faut faire ce micmac pour obtenir l’essence au prix Bolivien à 31 centimes d’euro, nous sommes tout à fait disposés même si nous trouvons cela complètement con.
C’est parti pour Santa Cruz, la plus grosse ville de Bolivie. 1,5 millions d’habitants sous la chaleur des tropiques. La route est longue, chaude, venteuse. Nous sommes toujours dans le Gran Chaco, une zone sèche où les arbustes sont hirsutes et les buissons épineux. Les zébus efflanqués ont remplacé les vaches dodues, les maisons sont faites de terre, de chaume et de bois et papayers et bananiers ornent les jardins.
Nous arrivons enfin, tous bien fatigués par la route et le vent, dans cette ville qui a l’air si paisible comparée à l’étonnante La Paz. La circulation est fluide, il n’y a pas de grands immeubles, et tout à l’air très calme. De plus, les filles sont très jolies et bien sexy ici, pour ne pas déplaire à nos hommes. (quand je vous dis que le moral remonte!)
Nous trouvons le campement signalé par d’autre voyageurs très facilement, un parking gardé en plein centre, avec douche, toilette, électricité, le patron nous donne la clé du cadenas pour entrer et sortir à notre guise. C’est plus que parfait pour nous. Et cela nous coûte 7,50 euros pour 5 jours! Qui dit mieux?