San Ignacio de Velasco

28 Juillet: Nous sommes plus en forme qu’hier pour arpenter les rues de San Ignacio, et nous découvrons une jolie ville dont les bâtiments autour de la magnifique place principale sont tous ornés de peintures dans le style Chiquitano et dont les piliers de toit sont pour la plupart sculptés, et avec beaucoup de goût. Elle mérite son chapitre à elle toute seule.

La Cathédrale sera ouverte ce soir, un concert de musique baroque s’y déroulera et nous attendons avec impatience de pouvoir voir et écouter cela.

Lorsque les Jésuites et les tribus indigènes se sont rencontrées en 1587, la culture indigène n’était pas dénuée de musique, mais les missionnaires ont stimulé leur dons innés, ils ont semé de nouvelles idées, et ont de cette façon libéré l’essence de ce qu’est aujourd’hui la culture Chiquitana.

En très peu de temps, en plus d’être devenus des charpentiers, potiers, sculpteurs, tisseurs, peintres, ils se sont divinement détachés sur le plan musical. Les missionnaires utilisaient la musique comme véhicule d’évangélisation et les Chiquitanos devinrent des musiciens exceptionnels, pas seulement entant que chanteurs ou exécutants, mais aussi entant que compositeurs.

En 1974, Hans Roth, le théologien architecte jésuite, a redécouvert des milliers de partitions écrites par des maestros conservées depuis lors par les Chiquitanos. Ces oeuvres musicales sont uniques, ce sont les oeuvres baroques les plus anciennes existantes en dehors de l’Europe: sonates, opéras, pièces liturgiques, messes, menuets.

Nous nous rendons donc à la Cathédrale, la seule de toutes les missions de la province à ne pas être inscrite au patrimoine mondial de l’UNESCO puisqu’elle a été détruite en 1950 pour laisser place à un bâtiment moderne. Une erreur qu’ont réalisée les architectes assez vite heureusement, ils l’ont alors rasée pour reconstruire la cathédrale conforme à celle d’origine.

Nous sommes les seuls étrangers, et l’amabilité Chiquitana nous surprend encore, on nous propose le premier rang alors que la salle est comble.

Ce soir, nous allons écouter l’orchestre de San Miguel, une petite ville située à 40 km de là. C’est un orchestre juvénile, les enfants ont une petite dizaine d’années pour certains.

Et tout de suite, nous sommes impressionnés par le talent de ces jeunes gens, dirigés à tour de rôle par deux chefs d’orchestre, José Adan Uraeza, originaire du bassin Amazonien, directeur d’orchestre de l’école San Francisco, et Géza Szadeczky-Kardoss, s’occupant de l’école de musique de San Miguel.

Au répertoire: Folia de Vivaldi, concert en Sol majeur pour violon, danse Hongroise de Bizet, Te Deum de Charpentier, la grande marche de Verdi...

Puis viennent les choeurs, une ribambelle de gamins plus ou moins âgés tous habillés de vêtements traditionnels, les belles chemises brodées Chiquitanas, un plaisir pour les yeux, mais pas autant que pour les oreilles. Lorsqu’ils se mettent à chanter avec l’orchestre pour les accompagner, dans cette cathédrale à l’acoustique idéale, nos poils se dressent, nous avons des frissons partout et ça nous mouillé les yeux. Trop mignons et émouvants ces petits.

Ils ont chanté des chansons Colombiennes, Brujas y Hadas d’Alberto Grau, l’Hymne à la joie de Beethoven, Que canten los ninos de José Luis Perales, une belle chanson sur la paix et le désir des enfants pour que le monde reste beau, et Pintame Bolivia-Negro y Blanco, une chanson sur l’amour de la Bolivie.

Nous avons eu une chance inouïe d’assister à ce spectacle. Nous sommes témoins d’une culture insufflée par les missionnaires qui ne s’est jamais perdue, toujours vivante, comme nulle part ailleurs en Amérique Latine.

Après tant d’émotion, notre estomac crie famine, et c’est encore une chance que le club social de la ville organise après le concert une soirée de dégustation où sont représentés tous les plats typiques des régions de la Bolivie et de toute l’Amérique Latine.

40 plats, dont certains cuisinés sur place, sont présentés aux visiteurs. Nous avons la banane comme jamais, nous sommes les plus heureux du monde!

Il y a de quoi manger bien assez pour tout le monde, nous faisons plusieurs fois le tour des stand pour ne rien louper!!! Sans oublier les stands de boissons: dégustation de vin artisanal, de caïpirinha, bailey fait maison, pina colada... j’en connais deux qui se sont fait très plaisir!

Alors nous avons goûté des plats d’Amazonie, du manioc séché à la viande séchée (un peu sec!) des jus de palmiers, des plats Mexicains, Péruviens, des pâtisseries, des confitures, etc... avec une mention spéciale pour le poulet et crevettes sautés sauce cacahuète!

Nous ne nous étions pas couchés si tard depuis vraiment longtemps! Nous avons passé une soirée inoubliable, riche en rencontre et en découvertes.

29 Juillet: La région de San Ignacio est productrice de café organique biologique et très bon puisque c’est celui que nous buvons le matin au petit déjeuner de la casa Suiza, nous allons alors voir le processus de torréfaction.

L’odeur du café grillé nous renseigne sur l’endroit. Un gentil monsieur accepte de nous faire visiter. Il nous explique que ce café est le meilleur de Bolivie, le plus réputé et qu’il est distribué jusqu’en Allemagne. La torréfaction se fait à l’ancienne puisque la machine est très ancienne nous dit-il.

Le bois utilisé est spécial, c’est du Carupau, il ne dégage pas d’odeur et par conséquent ne laisse pas d’empreinte qui pourrait altérer le goût du café.

Les plants de café poussent dans le vivier ici puis sont ensuite amenés dans les champs lorsqu’ils atteignent la taille adéquate.

Nous faisons aussi la découverte de l’arbre nommé cayou qui est élevé ici également. Nous n’avions pas compris ce qu’étaient ces petits arbres jusqu’à ce qu’on en voie le fruit sur l’arbre adulte, c’est l’anacardier, l’arbre à noix de cajou!

La pomme se mange, c’est juteux et un peu âpre. Et ce qu’on mange à l’apéro est cette petite graine dessous. Elle nécessite un traitement spécial avant d’être consommée car elle est entourée d’une pulpe acide qui brûle la peau nous raconte notre guide. C’est pourquoi c’est assez cher.

Nous achetons donc notre stock de café avant de prendre congé puis le Thillou nous emmène jusqu’à une boulangerie qu’il a dénichée lors de ses promenades solitaires.

Tout le pain et les petits gâteaux sortent du four à bois, tous chauds, c’est délicieux. C’est ici que se fait la vente en gros. En fait, nous sommes à l’usine! Ce sont cette dame et ses filles qui alimentent presque tout le centre ville en petits pains divers.

Elles sont très accueillantes et nous restons un moment avec elles pour goûter à tous ces petits machins. 

Elles nous disent qu’elles nous attendent demain à la même heure pour nous vendre encore quelques brioches et empanadas au fromage.  Seguro!

Nous pensons encore à notre belle soirée d’hier et nous nous disons que ce serait bien d’aller à l’école de musique de l’église San Francisco pour féliciter et remercier le directeur d’orchestre et les professeurs de musique . Nous avons un film en DVD appelé «el Systema», un documentaire merveilleux sur la fondation de nombreuses écoles de musique crées depuis 1975 par un maestro passionné et désireux d’aider les enfants de Caracas à ne pas sombrer dans la délinquance ni à trainer dans les rues sans grand choix d’avenir. Il s’appelle José Antonio Abreu. Lui et son acolyte Franck Di Polo sont d’une énergie sans faille depuis toutes ces années et les enfants de Caracas et d’ailleurs au Venezuela ont bien compris qu’il vaut mieux passer son temps à apprendre d’un instrument de musique avec ses amis et faire partie d’un orchestre plutôt que de continuer à vivre dans la crainte des gangs dans les quartiers chauds de Caracas. Dans ces écoles, ils se sentent en sécurité, ils sont occupés et pensent à leur avenir en sachant très bien que c’est la musique qui les sauve.

Un documentaire de Paul Smaczny qu’il faut absolument voir. La façon qu’ont les enfants de San Ignacio de jouer et de chanter nous a grandement fait penser à ce film. On s’est dit que ce serait un joli cadeau à faire à l’école de musique pour que les enfants le voient.

Et nous avions raison, Macario, le directeur, regarde la pochette du DVD et nous dit qu’il connait bien Gustavo Dudamel, le chef d’orchestre sur la photo, ainsi que José Abreu, le fondateur. Ils ont travaillé ensemble, Macario nous dit qu’il est Vénézuélien et qu’il enseigne les même méthodes du Systema à ses élèves ici, et que toutes les écoles de la province de Santa Cruz enseignent la musique et les chants d’après le modèle Vénézuélien.

Finalement, cela ne nous étonne pas, et cela nous fait d’autant plus plaisir de leur offrir notre DVD qui tombe vraiment bien surtout qu’ils ont travaillé avec les protagonistes.

Ils sont très heureux que des étrangers aiment leur travail et le leur disent. Ils nous proposent de revenir demain matin pour voir les enfants aux répétitions.

Ce soir nous allons à un autre concert à la cathédrale, joué par l’orchestre municipal cette fois-ci. Nous sommes bien moins emballés qu’hier soir, nous sommes mal placés, le répertoire nous plait moins, ce sont des élèves plus âgés qui jouent, il y a moins d’énergie et d’entrain. Parfois, nous avons l’impression que certains violons sont soit mal accordés, soit qu’il y a quelques fausses notes qui se baladent.

Cependant, nous sommes charmés par la chorale qui nous offre une fin de spectacle de qualité avec des voix sublimes.

30 Juillet: Nous sommes en retard à notre rendez-vous à l’école car notre petit-déjeuner a été servi un peu plus tard. Nous y rencontrons quand même José Andan, le directeur d’orchestre avec qui nous discutons longuement. En fait, c’est surtout lui qui discute avec nous et nous ne comprenons pas tout ce qu’il nous explique malheureusement. Il a un accent particulier et une mauvaise articulation. Nous décrochons et nous rageons de ne pas pouvoir comprendre plus que ça car ce doit être très intéressant de discuter de tout ça avec lui. Il nous dit qu’il a aussi travaillé au Venezuela avec José Antonio Abreu, qu’il connait très bien Antoine Duhamel, un chef d’orchestre Français à l’école de musique de Santa Cruz ami des fondateurs du Systema. En fait, les musiciens d’Amérique du Sud font parti d’une belle grande famille énergique et altruiste. Les écoles, les instruments et les salaires des professeurs sont financés par des dons de particuliers et soutenus grandement par l’église également.

Nous recevons de leur part un petit DVD de leur concert du mois dernier ainsi que les paroles des chansons que les enfants ont chantées avant hier soir, en remerciement de nos remerciements!

ça met du baume au coeur tout ça.

(petite dédicace à ma tante Catherine qui a eu la bonne idée de nous offrir ce film avant notre départ. On l’a offert à notre tour mais tu comprendras j’en suis sûre!)

Le Thillou part ensuite au rendez-vous chez les mamitas de la boulangerie comme promis. Je reste faire la sieste car il fait vraiment chaud et je n’ai pas le courage de marcher le kilomètre qui nous en sépare dans le sable des rues. Et j’ai bien fait, c’était une embuscade!!! Elles l’ont gavé de petits pains de maïs au fromage et les clients du bar mitoyen l’ont invité à boire des bières étant surpris et heureux qu’un gringo s’aventure si loin dans ces quartiers et s’intéresse à eux. Alors à toi à moi la bière fraiche descend et il lui a été difficile de refuser (bon en même temps on sait qu’il ne s’est pas forcé, hein?) et de partir, les effets de l’alcool créant des liens d’amitié très fort!

Ce soir c’est la fête patronale, San Ignacio va prendre l’air et faire un petit tour de la place en procession. C’est son 263 ème anniversaire quand même!

Toute la ville est en effervescence, la bière coule à flot, les filles sont toutes sur leur 31, des familles entières viennent assister à cette fête où sont présentées danses folkloriques et musique traditionnelle et surtout, le clou de la nuit, le couronnement de la nouvelle reine de San Ignacio de Velasco. La place est pleine de monde. Les bars font la recette de l’année.

La musique fait rage toute la nuit, à l’heure où j’écris ces lignes, il est midi le 1 er Août, la fête continue la musique à fond les ballons.

1er Août: Une pluie providentielle nous réveille tôt, elle rafraîchit l’air si étouffant mais tasse aussi le sable et la poussière des rues que le vent quotidien soulève. Ce n’est que de courte durée, en fin de matinée, le soleil reprend sa place.

Nous nous préparons pour la piste de 310 km qui nous sépare du Brésil.

2 Août: Il pleut encore et la température a chuté considérablement. C’est incroyable, mais il fait 8 degrés ce matin. Elle remonte un peu dans la journée mais ce n’est pas encore ça.

Avec mon Thillou, nous allons faire une promenade et allons voir la grotte d’argile et de mica dans laquelle les Jésuites prélevaient leur matière pour faire des enduits. Nous avons prolongé d’un jour notre séjour ici puisqu’on a petit déjeuné trop tard pour prendre la route.

La visite de ces trois missions Jésuites nous a réellement touchés tant la culture de ce peuple est restée vivante, même si elle a été largement influencée par les missionnaires. Si elle est toujours aussi vivante, c’est en partie grâce à leur isolement jusqu’au dernier tiers du XIX ème siècle, quand les peuples commencèrent à se métisser. Celui-ci permit aux Chiquitanos de ne pas perdre leur identité et leur originalité culturelle.

Et d’avoir passé presque deux semaines dans cette région à la découvrir,


notre coeur a fait

3 Août: Nous avons demandé à la très gentille Selva de nous préparer notre petit déjeuner à 7 h du matin pour pouvoir partir tôt. Il fait toujours frais et pluvieux, la route sera plus supportable finalement que s’il fait 40 degrés.

Selva nous gâte encore comme à son habitude, tous les matins, elle s’est évertuée à nous concocter des petits déjeuners différents, la plupart du temps des spécialité chiquitanas surtout à base d’igname, en gâteaux, en masaco (boulettes de purée mélangée à de la viande séchée), en beignets. Elle fait elle même son yaourt avec le lait de ses vaches, elle a aussi des abeilles qui en ce moment butinent les manguiers et leur miel est délicieux. Merci Selva pour ta quotidienne bonne humeur!

suite au Brésil.