DIRECTION TOLAR GRANDE

13 Mai: Nous rencontrons de beaux lamas et Alpagas après le col de Chorrillo. Ils paissent près d’un bofédal, j’ai appris que cela s’appelait comme ça, un ruisseau d’eau claire bordé de végétation en plein désert à haute altitude. Nous touchons l’eau, elle est tiède, ça doit valoir le coup de remonter à la source pour y trouver l’eau chaude. Mais nous avons fait du chemin et continuons.

La piste est jolie mais monotone comparée à ce que nous avons vu jusqu’à présent, nous décidons de bivouaquer derrière une colline car nous sommes fatigués de rouler, nous faisons peu de km en plusieurs heures.

14 Mai: Nous atteignons Pocitos et son salar, là, le décor change radicalement, nous nous retrouvons au milieu d’un salar gris puis rouge aux pointes hirsutes impénétrables. Sa texture est particulière, la croûte est épaisse mais molle dessous, le sel apparaît en surface mais reste discret, ce n’est pas comme une saline à la blancheur aveuglante.

Ce que nous voyons après nous emmène sur Mars, des vallons et des plaines de sable rouges, la piste devient l’une des plus belles que nous ayons faites à ce jour. Nous nous trouvons un coin isolé entre des collines pour profiter de ce panorama de toute beauté. Le calme de cet endroit ajoute à son charme. Une seule voiture croisée dans la journée. Le silence est si lourd que cela bourdonne dans nos oreilles. Parfois un oiseau vient le rompre et nous rappelle que nous ne sommes pas sur la planète Mars!

Nous explorons le coin en faisant quelques marches alentours, nous grimpons afin d’apprécier le panorama et découvrons des trous dans la colline, les oiseaux y nichent, on en voit sortir. Nous découvrons aussi des traces uniques, nous pensons que ce sont celles de motos passées par là, mais en y regardant de plus près, on voit des traces de pattes de vigognes. On en déduis qu’elles se déplacent en file indienne, leur piste est très régulière. Un peu plus loin, on les voit qui nous observent. Effectivement, elles nous tournent le dos et partent à la queue leuleu.

Elles sont malignes car comme les humains, elles font des pistes qu’elles suivent toutes pour ne pas s’enfoncer et se fatiguer dans la terre sableuse. Nous verrons de ces traces partout sur les montagnes, preuve qu’elles sont comme les bouquetins de très bonnes grimpeuses.

Le 15 Mai: Les journées sont chaudes, 30° au soleil, et les nuits glaciales, il a fait -12 cette nuit. La doublure de la tente de toit est gelée ce matin. Nous dormirons à l’intérieur les nuits prochaines. Nous passons devant une gare abandonnée avec un wagon, vestige d’une époque plus glorieuse où le chemin de fer était encore en service et transportait bétail et humain jusqu’au Chili. Nous faisons une petite exploration et imaginons la vie de ce tout petit village de pisé avec son four à pain au milieu.

C’est une route pleine de surprise, nous prenons tout notre temps. Nous arrivons bientôt à Tolar Grande, et avant le village, nous découvrons ce qu’ils appellent ici Ojos del mar, les yeux de la mer. Des mini lagunes aux eaux cristallines crées par capillarité avec les nappes souterraines. Un lagon au coeur des Andes! On s’en approche, cela donne envie de s’y baigner avec la combi, mais on risquerait d’abîmer les récifs de sel ressemblant à de petits coraux. De toute façon, Thille glisse et goûte l’eau involontairement, elle est bien glacée! La fine croûte de sel fait penser à des chips.

Nous voilà dans ce petit village très très isolé, on se demande pourquoi des humains sont venus si loin s’installer. Sûrement parce que le train

passait ici. D’ailleurs la ligne fonctionne de Tolar à Socompa, à la frontière Chilienne. Nous le voyons partir, les citernes remplies de gaz. Les habitants de ce village sont très aimables, nous trouvons de de l’essence en demandant à la municipalité car il n’y a pas de station service. Les personnes que nous rencontrons nous indiquent les choses à voir dans le périmètre. Le cône d’Arita par exemple, à 80 km de là. Après avoir fait le plein, nous allons voir ce fameux cône. Sur le chemin nous voyons au loin deux piétons, cela nous paraît incroyable tant les distances sont longues de voir deux bipèdes au milieu du salar d’Arizaro, au milieu de nulle part pour ainsi dire. Nous nous arrêtons près d’eux pour leur demander s’ils n’ont besoin de rien en préparant dans ma tête une phrase en espagnol, et c’est un grand «bonjour!» qui nous surprend. Gaultier et Pierre, deux Vosgiens en vadrouille, à pieds depuis 4 mois pour traverser toute la Puna, puis la Bolivie et le Pérou. Nous sommes encore plus impressionnés que lorsque nous rencontrons des cyclistes! (désolés les copains cyclistes!) Ils ont encore 45 km à faire avant d’arriver au village. Ils vont devoir dormir au milieu de ce salar rouge, rugueux et inhospitalier.

Nous passons une heure à bavarder et comme ils viennent de faire beaucoup de bornes sur les pistes, ils connaissent bien le coin et nous en indique une non répertoriée sur nos plans. Elle nous emmènera à une mine abandonnée, la mina de la casualidad. En attendant, nous leur souhaitons bonne route et bon courage, en espérant les revoir en Bolivie. Nous poursuivons notre chemin, qui devient bien pourri jusqu’au cône. La tôle ondulée met nos nerfs à rude épreuve. Le frigo bien sanglé à quand même été foutu de casser les charnières de sa porte! Ce cône se mérite, mais nous sommes content d’y être, de le voir au soleil couchant, et nous comprenons pourquoi il a un caractère si sacré aux yeux des indiens.

Il est parfait, énigmatique, mystérieux, nous nous questionnons quant à sa formation.

Il n’y a habituellement jamais de nuages dans la Puna, mais aujourd’hui, nous aurons la chance d’assister à un coucher de soleil coloré sur le cône. La nuit tombe, il devient invisible sous une voûte céleste aussi scintillante qu’un sapin de Noël.

16 Mai: Nous passons derrière la petite mine d’Arita, gardée par un homme solitaire. Nous demandons la piste exacte pour la mine abandonnée, il nous trace dans le sable un plan détaillé et nous souhaite bonne route. La piste tient plus du chemin tracé. Peu de gens l’empruntent. Nous ne sommes pas déçu. C’est très long car ça grimpe énormément, notre bestiole avance à pas de limace, les montées sont raides à au moins 40%. Nous sommes en plein désert, personne, rien. Il ne faut pas tomber en panne ici! Nous traversons des champs de pierres de lave qui nous mènent au sommet d’une vieille montagne. Nous arrivons au bord d’un cratère. Sans le savoir, nous grimpions un volcan. Le trou béant géant sous nos yeux nous donne des frissons. Nous nous arrêtons un moment pour admirer tout ça.

Nous ne comptons plus en km, mais en heures, notre lenteur plus les arrêts photos nous font faire 72 km en 5h. Tout ce que nous découvrons ici sont pures surprises. Au détour d’un virage nous voilà surplombant une saline bordée de montagnes colorées. C’est la saline du rio grande.

Nous sommes au dessus des 4350m, les volcans paraissent à portée de main. La trace croise une route asphaltée, complètement abandonnée, les pierres de la montagne roulent dessus, des crevasses se sont formées, on se croirait dans une scène de la planète des singes. Nous sommes donc sur l’ancienne route qui mène à la vieille mine. Nous apercevons un petit cimetière sur le haut d’une colline, et pensons que ce sont les travailleurs de la casualidad enterrés ici. Le cimetière est lui aussi abandonné, mais qui pourrait venir ici régulièrement pour entretenir une tombe?

L’atmosphère est troublante, il n’y a pas que des tombes de travailleurs, mais aussi d’enfants. Nous supposons que cette mine était aussi en réalité toute une communauté, une petite ville pour que les familles ne soient pas séparées. Nous découvrons de drôle d’objets, ainsi que des bouteilles remplies de scarabées morts. Cela avait-t 'il un sens particulier? Nous continuons et découvrons derrière cette colline la Mina de la Casualidad.