Sur un chemin pré-Colombien

26 Juin: Nous nous levons à l’aube mais nous n’arrivons à décoller qu’à 8h, Thille et Jérémie dans la benne du pick-up bien au froid, Emilie et moi bien au chaud devant. Arrivée à 10h à La Cumbre, le même point de départ que le vélo de la mort. Nous nous arrêtons pour cause de péage et en profitons pour acheter du pain aux mamitas qui vendent de tout et cuisinent pour les passants.

Nous garons le pick-up sous la surveillance des gardes forestiers bien sympas, et partons le pas décidé pour une belle montée à 5000m qui nous hyperventile les poumons. C’est parti pour 70 km.

Nous profitons à tour de rôle de Reiki le malamute pour se faire tirer un peu.

Reiki s’emballe subitement et course tel un fauve les lamas, bien plus rapides et habitués à l’altitude que ce gros loup prétentieux! Heureusement qu’il n’en a attrapé aucun, du coup, Jérémie préfère l’attacher tant qu’il y aura d’autres animaux dans les parages.

La langue pendante, nous arrivons au sommet et voyons la belle descente qui nous attend, le chemin pré-colombien tracé de pavés, menant aux ruines d’une auberge Inca.

Nous passons à travers quelques petits villages constitués de deux ou trois maisons, certains habitants profitant de la renommée de ce trek pour ouvrir une petite boutique de boissons afin d’avitailler les randonneurs assoiffés. Reiki, tenu en laisse par Jérémie, tire très fort et fait presque tomber celui-ci qui le détache... sans le savoir... devant un troupeau de moutons. Le chien part en trombe, n’entend plus les appels de ses maîtres, et saute dans la rivière pour ne plus en sortir. Là, nous savons que Reiki n’est pas bredouille. Jérémie court à bout de souffle derrière le chien, qui se trouve en train de croquer la cuisse d’une pauvre bête. Le mouton meurt sous les yeux de Jérémie et de la petite bergère, arrivant en courant et pleurant à chaude larmes la mort de son mouton. C’est le drame. Le chien se prend une bonne rouste, la gueule encore pleine du sang de la bestiole. Nous calmons la petite Patricia âgée tout au plus d’une dizaine d’année et lui demandons où habitent ses parents afin de les dédommager. Nous voilà en quête d’Adolpo, et le trouvons dans les champs avec sa famille, en train d’étaler au sol les ucas, racines roses et blanches. Nous expliquons la chose à ce monsieur qui n’a pas l’air commode. Il demande une belle somme pour compenser sa perte et Jérémie se plie à sa volonté n’étant pas en position de marchander. Sur ce, la petite Patricia arrive, toujours en pleurs, la peur de son père dans les yeux. Nous sommes obligés d’expliquer que ce n’est pas de sa faute, qu’elle n’a rien pu faire contre le loup. Il demande alors une compensation financière pour la petite qui, nous espérons pourra garder l’argent pour elle.

Ce chien doux comme un agneau se transforme en loup sauvage dès qu’il voit une bête à croquer. Il a raté le lama, et s’est rattrapé sur le mouton. Nous on bouffe des casse-croûtes, et lui se tape du gigot! Cette aventure passée, Reiki restera en laisse pour le reste du trek. Dommage pour lui, nous en sommes qu’au premier jour.

Nous nous trouvons un bivouac au bord du torrent, les nuages de la vallée arrivent sur nous et nous enrobent de leur brouillard. Nous mangeons tôt car le froid pince, il n’y en a qu’un qui est à son aise avec sa belle fourrure, devinez qui...

27 Juin: La nuit a été glaciale, pas trop possible de dormir correctement, mais nous sommes motivés pour continuer en voyant la vallée et la mer de nuages qui nous promettent des jours plus chauds.

Les pieds commencent à nous faire souffrir Emilie et moi, la pause repas est bienvenue.

Plus nous descendons, plus le climat nous convient, nous commençons à nous effeuiller. Les arbres et fleurs sont de plus en plus nombreux et le torrent frais nous permet un rafraîchissement bienvenu.  Nous arrivons dans un petit village étape ou une mamie filant la laine et ses petits enfants nous accueillent. Nous leur achetons à boire et Thille offre un coca aux petits qui sont ravis de l’offre.

Ce paradis serait parfais pour l’étape de nuit, malheureusement il est encore trop tôt pour s’arrêter, et malgré les ampoules de nos pieds, nous devons continuer, nous marchons longtemps, passant dans une forêt dense et tropicale, des fougères arborescentes font leur apparition dans des clairières, les fleurs sont nombreuses et les plantes épiphytes sont accrochées à tous les arbres ornés de lichens.

La marche est dure pour Emilie et moi, les sacs ne paraissent pas moins lourds malgré la nourriture qui diminue, et nos pieds sont de plus en plus meurtris. Nous marchons longtemps et ne trouvons plus d’endroits pour nous arrêter pour la nuit, la forêt étant trop dense de chaque côté du chemin si étroit, nous empêchant d’installer nos tentes. Nous sommes inquiets car l’heure tourne et la nuit ne tardera pas à tomber. Thille, l’homme qui n’a jamais mal et qui ne sent pas la fatigue est toujours loin devant, il est pour nous mi-homme mi-terminator, et nous nous questionnons quant à son origine humaine. Il se charge du sac d’Emilie qui ne peut plus avancer et fonce avec Reiki, content d’avoir un compagnon à sa hauteur. La petite chienne Dolly nous épate aussi, à faire ses allers-retours entre Jérémie devant et Emilie derrière, essayant en vain de les rapprocher! Elle fait durant ce trek le double de km de nous.

Nous approchons enfin assez tard dans l’après-midi d’un bivouac salutaire, Emilie reprend des forces sans son sac sur le dos, quant à moi, je ne me suis pas arrêtée sachant que mes muscles ne me permettraient plus de repartir. Nous arrivons exténuées sous une paillote qui nous tend les bras. A bout de force, je me pose, et impossible de me relever. Mes muscles sont tétanisés, pire qu’une mamie, je me traîne sous la tente que Thille a monté en 10 secondes. Je chougne un petit coup, ça fait du bien. Nous ne sommes pas égaux face à l’endurance, et je paie tous les jours passés les fesses dans le camion sans faire de sport!

Tout va mieux une heure après, un bon feu de bois, des patates et ça repart! Le père Thille, lui va super bien, d’ailleurs on peut le voir, toujours la forme, même en slip! La nuit est bonne car chaude, le sommeil est réparateur.

28 Juin: ça va bien mieux ce matin, sauf que nous n’aurons pas de pain au petit déj, on se l’est fait taxé dans la nuit. Bon, il est vrai que c’est une denrée rare ici, nous n’en trouvons dans aucun kiosco. Mais on râle quand même un peu, même si ce n’est pas grave. Thille découpe les chaussures d’Emilie aux endroits de ses ampoules et sa marche devient tout de suite plus agréable. De mon côté, je vide ma grosse ampoule du talon, qui me soulage instantanément. Nous sommes réparées et les mecs n’auront plus à nous supporter.

Nous traversons de nombreux gués et torrents, nous en profitons pour prendre une douche sous une cascade comme dans les pubs pour gels douche. D’innombrables papillons nous escortent dans notre tâche et donne un air paradisiaque à ce trek merveilleux. Les prendre en photo n’est pas une mince affaire tellement il y en a, et tellement ils sont actifs! La pause est bienvenue, d’autant plus que l’eau du torrent est potable.

Cette journée est variée en terrain, autant de montées que de descentes, nous grimpons même une côte en zig-zag nommée la côte du diable, c’est tout dire! Mais les paysages sont de toutes beautés, nous sommes à flan de falaise, et traversons des petits villages bordés de bananiers immenses, où les habitants trient les graines de cafés et vendent des boissons fraîches. Les tournées de bières vont bon train!

Nous trouvons un endroit nommé bella vista pour notre dernière nuit sur la route commerciale des Incas qui s’échangeaient leurs produits de la montagne à la forêt. Nous vidons le stock de chips pour l’apéro et de biscuits pour notre petit déjeuner de demain du couple habitant ici, à flan de montagne.

29 Juin: Nous voilà à notre dernier jour de marche, nous rejoignons le village d’El Chairo, point d’arrivé de ce trek contrasté,magique et éprouvant, froid et chaud, nu et coloré, vierge et habité, emprunt d’histoire et inoubliable. Nous trouvons un taxi qui nous remonte en deux heures de 1300 m à 4900 m, nos bouches remplies de coca pour ne pas subir le mal de l’altitude, ce qui fonctionne drôlement bien, à condition de supporter cette boule de feuilles sèches au goût pas très agréable coincée dans la joue. Emilie en offre au chauffeur après lui avoir tapé fort sur l’épaule pour le réveiller pendant la conduite. Ce serait bête de finir dans le ravin après ces 4 jours fantastiques passés ensemble.

Nous revoilà dans le froid de l’altitude, nous retrouvons le pick-up et les gardes forestiers que l’on gratifie pour leur gentillesse sans contre-partie, et fonçons en ville à la recherche d’une gargote pour se restaurer car contrairement à ce que l’on peut croire, la coca ne coupe pas la faim!!!

Nous nous régalons chez une vieille femme adorable et très marrante qui nous sert toutes ses spécialités de galettes de yuca et autres croquettes de viande et riz au lama séché, et sortons de là le ventre plus que plein pour 2 euros par personne. Que c’est bon la Bolivie!