Nous sommes rentrés de notre virée en haute montagne un peu moins fatigués qu’on ne l’aurait imaginé. Quelques courbatures et un manque de sommeil nous imposent quand même au moins deux journées à ne rien faire à La Paz où nous retrouvons Nelly, Guy et Yoni que nous avions rencontré à Antofagasta au Chili, ainsi que Christiane et Serge, deux retraités à fond la forme, qui, à 75 ans, continuent de crapahuter avec leur rapido autour de la planète, nous les avions rencontré à Salta, en Argentine.
Nous sommes heureux de ces retrouvailles, du coup, pas moyen de se coucher tôt, et rebelote pour les apéros!
Bon, avec tout ça, nous ne perdons pas notre objectif de vue, aller en ville pour réserver notre séjour dans la jungle Bolivienne. Il faut bien ça pour se remettre du froid de la haute montagne...
Nous hésitons moins que pour le Huayna Potosi! L’agence est toute trouvée, nous partons avec Madidi-travel, l’organisation à l’origine de la création du parc National Madidi. Leur but est la protection, et l’argent que nous versons est employé à la surveillance des zones protégées, qui sont malheureusement des zones où les animaux sont moins farouches qu’ailleurs, et proies faciles à la merci des braconniers.
Sans compter les coupeurs d’arbres qui n’ont pas de scrupules à dévaster des écosystèmes entiers. Il y a donc 33 personnes natives du coin engagées à faire la chasse aux chasseurs.
Madidi travel a aussi ouvert au public une zone privée, le parc Serere. C’est une zone comportant 4 lacs abritant ainsi un nombre très varié de reptiles, oiseaux, mammifères et autres plantes.
Nous avons donc choisi cet endroit pour tout ça, aussi parce qu’aucune autre agence n’y pénètre. Nous ne pouvons pas être plus de 6 personnes à la fois, ce qui nous convient parfaitement.
A la tête de tout ce travail de protection et de la création de ces parcs se trouve Rosa maria Ruiz, une femme battante qui continue la lutte. Nous l’admirons, et si vous voulez en savoir plus, visitez le site:
http://www.ecobolivia.org/fr/mosaico02.php c’est en Français.
Le 14 Août: Nous découvrons l’ appareil qui va nous emmener dans le bassin amazonien, un fairchild dornier, petit avion de 21 places, assez impressionnant lorsque c’est la première fois que l’on se retrouve dans un petit coucou à hélices. La vue sur la Cordillera Real est imprenable, nous passons même très près du sommet du Huayna Potosi, et le narguons de notre siège d’avion.
Une demie-heure plus tard, nous sommes au dessus du bassin amazonien, les serpents boueux des rios et fleuves découpant une dense végétation. On y est, 45 minutes de vol et nous sommes dans un autre pays. La Bolivie est pleine de ressource... Nous voilà à atterrir sur une piste herbeuse d’un tout petit aéroport de brousse.
Rurrenabaque. Petite bourgade à ambiance des îles, les gens sourient, on se salue dans la rue, les habits sont riquiqui, nous sommes loin, très loin des jupons et des chapeaux melons. Cela nous enchante, sans parler de l’humide chaleur qui nous change du climat sec de La Paz.
Nous prenons contact avec l’agence et sommes reçus agréablement. Notre pirogue est là, nous embarquons, seuls, ils n’y a pas d’autres touristes.
Nous sommes donc sur le fleuve Béni pour un peu plus de deux heures, un fleuve calme, sans circulation.
Le piroguier s’approche des berges pour que l’on puisse observer les tortues et caïmans prenant des bains de soleil. Nous voyions des colonies entières de tortues, et observons avec plaisir le rapport qu’elles entretiennent avec les papillons. Ceux-ci apprécient le sel sécrété par la tortue au niveau de ses narines, et elles apprécient peut-être de se faire chatouiller les trous de nez.
Nous passons près de plages de sable doux invitant à la bronzette, et voyons des familles de pêcheurs nomades, vivants sur ces berges, vendant le poisson à l’occasion.
Notre chauffeur nous sert un plateau repas, nous avons droit à une pizza, une salade et un moelleux au chocolat, et lorsque nous croquons dans notre petit calzone... hummmm un goût de pizza comme par chez nous! Incroyable! La meilleure depuis que nous sommes sur le continent! Au retour on demandera où les trouver!!! On va faire une razzia!
Après deux heures trente de pirogue, nous débarquons sur la berge de Madidi travel, où nous sommes accueillis par nos hôtes. Nous marchons 2 km sur un sentier de forêt avant d'accéder à notre cabane.
Cabane de luxe! Nous sommes comme des dingues, pour nous, cette cabane est digne d’un 5 étoiles! Il n’y a pas de mur, les tasseaux de bois supporte la moustiquaire qui sert de vitrage, et laisse passer sons, air, lumière, comme si nous étions à l’air libre en pleine forêt. Nous pouvons même observer les singes et oiseaux tout en faisant pipi!
Etant un lodge purement écologique, bien sûr, il n’y a pas d’électricité, et c’est aux chandelles que nous allons vivre nos soirées dorénavant.
L’équipe nous laisse nous rafraîchir sous une bonne douche puis nous invitent à nous rendre dans la maison principale où nous prendrons nos repas et aurons nos rendez-vous avec notre guide. Nous trouvons la maison au bout d’un beau sentier jalonné d’arbres aux contreforts imposants, entortillés de lianes et de végétation épiphyte.
Cette maison, fondue dans les bois, est simple et belle. Nous avons envie d’y rester pour toujours.
Des régimes de bananes de différentes variétés mûrissent derrière les moustiquaires, et sont à disposition. Nous les goûtons toutes et avons nos préférences, nous allons donc suivre le régime bananes pendant 4 jours. Elles sont trop bonnes, et à chaque passage, on ne résiste pas, on on cueille.
Nous rencontrons Nilo, notre jeune guide plein d’entrain. Il nous donne rendez-vous un peu avant le coucher de soleil pour une partie de pêche.
Nous partons donc avec Nilo et un jeune couple d’anglais dans une pirogue sur le lac, pour une session pêche. Les animaux du soir se réveillent, la jungle résonne de toute sortes de sons, des cris caverneux et ogresques des singes hurleurs, des coassements, des crissements, des chants d’oiseaux, des ploufs de poissons ou de caïmans... Nous sommes silencieux, les hommes rament en douceur, et nous trouvons position pour appâter le piranha. Tant mieux pour eux, nous les nourrissons plutôt que l’inverse, ils arrivent tous à chiper le bout de steak sans se faire avoir. Thille attrape un poisson assez petit que nous relâchons à l’unanimité. Nilo attrape deux piranhas et nous préférons les remettre à l’eau aussi.
Donc ce soir, certains poissons auront eu la chance de leur vie!
Nous retournons à la grande maison, que l’on aperçois difficilement depuis le lac. Une jeune fille travaillant là vient nous chercher en courant en s’écriant «ANACONDA!» alors nous nous approchons de cet énorme serpent glissant le long de la maison. Il mesure 4 mètres au moins. Un peu petit pour un anaconda! C’est une chance de le voir là, toute l’équipe est autour à l’observer. Personne ne le touche, nous le laissons retourner au lac tranquilou.
Nous prenons l’apéro avec nos compagnons anglais qui quittent le lodge demain. Nous seront donc seuls pour le restant de notre séjour. Cela nous enchante!
La soirée est animée, une chauve-souris sauvée de l’évier, un opossum grimpant la moustiquaire, nous sommes dans l’ambiance.
Le repas aux chandelles est délicieux, le cuisinier est un as, il cuisine des choses simples et divines.
Rosa maria vient nous souhaiter la bienvenue, et nous annonce que des braconniers et coupeurs de bois ont été vus dans la réserve à 6 km de là, elle nous demande alors si nous serions d’accord pour accompagner son équipe afin de les chasser. Nous ne pouvons pas refuser, nous avons choisi cette agence pour leurs convictions et pour les soutenir, nous acceptons. Demain lever 6 h. Glups!
On va botter quelques culs!
Nous sommes heureux de cette première journée ici, et reprenons le sentier avec nos frontales jusqu’à notre belle cabane. Les sons de la jungle la nuit sont intenses, c’est magique et ça envahi l’esprit. Nous parlons à voix basse, nous ne savons pas trop pourquoi, peut-être nous sentons nous invités dans cette forêt, et c’est comme si la nature elle même nous invitait gentiment à baisser le ton. Nous nous faisons donc discret.
Nous pensons à la journée de demain, et sommes un peu inquiets. Et si les braconniers étaient violents? Et s’ils étaient plus nombreux que nous? En plus ils sont armés... Bon, on verra bien demain.
15 Août: Nilo vient nous réveiller à 6h, sans lui nous serions toujours dans nos rêves.
Le petit déj est aussi chouette que l’endroit où nous le prenons. En terrasse, à l’étage, près des hamacs, vue sur le lac...
Nilo vient nous annoncer alors que Rosa Maria préfère finalement nous laisser avec lui, faire un trek en forêt plutôt que de prendre le risque de nous faire avoir des ennuis. Elles a dû avoir les mêmes pensées que nous hier soir.
C’est parti pour 5 heures de marche dans la jungle. Nilo nous emmène à la chasse aux photos, des capucins, des singes hurleurs, et d’autres dont on a pas comprit le nom... Nous observons une biche que nous pouvons approcher de curieusement près. Nous nous observons mutuellement. Nous tombons nez à nez avec une colonie de coatis, aussi agiles que des singes en grimpette.
Bref, on se régale. Nous rentrons pour le repas, et avons quartier libre pour le début d’après-midi. Ce sera sieste dans la cabane aux chants des oiseaux.
Nous revenons vers 16h et repartons pour une marche dans un autre lieu.
A notre retour, Rosa Maria nous attend, ils sont revenus de leurs chasse aux chasseurs et ont rapporté un triste butin. Elle nous demande de prendre en photo le carnage afin d’étoffer leur documentation sur ces activités illégales, et d’afficher les photos sur la façade de l’agence à Rurrenabaque pour que certains se reconnaissent et se sentent mal dans leurs baskets.
Nous prenons donc des photos de 5 aras déplumés, têtes coupées, porque épique une balle dans la tête, et autres oiseaux protégés mutilés. On est bien retourné en voyant tout ça.
Sans commentaires.
16 Août: C’est reparti pour une journée de marche avec Nilo, cette fois-ci, on compte bien capturer de nos objectifs insectes, papillons, reptiles et batraciens qui font aussi la richesse de cette jungle.
Nous découvrons des insectes au mimétisme incroyable, difficile à voir, ils n’échappent quand même pas à nos yeux grand ouverts, c’est la foire au camouflage!
Même le Thille s’essaye au camouflage, mais ça marche moins bien!
Puis il y a la série des funky people of the jungle, ceux-ci font tout pour qu’on les repère, mais ne sont pas plus faciles à photographier car ils sont toujours en mouvement, c’est une vraie traque!
Mais nous décernons la palme du plus funky à Madame la chenille urticante, anonyme malheureusement.
Nous sommes curieux de savoir ce que ça donne comme papillon. Si quelqu’un le sait, faites-en nous part!
Nous sommes contents de nos découvertes, évidemment, il y a aussi Môssieur Morpho, ce magnifique papillon bleu électrique qui ne se pose jamais, alors il passe et repasse devant nos yeux, sans que jamais nous puissions le capturer, mais nous n’avons pas dit notre dernier mot, il nous reste du temps, hé hé hé.
Hummmm... on a pas pu tout manger. Cela faisait longtemps qu’on ne vous avait pas parlé de nourriture, pas vrai? Et bien c’est parce qu’en Bolivie, il y a un grand manque de créativité niveau recettes. C’est dommage, car avec les climats qu’il y a ici, tout pousse, en tous cas, tout ce qui pousse aux Antilles pourrait pousser ici, mais malheureusement, la plupart du temps les repas se cantonnent à poulet-riz-patates... C’est pourquoi nous sommes heureux ici d’avoir un cuisinier qui a l’amour de son travail.
Apparemment, les plats sont plus variés et plus goûteux dans le bassin amazonien.
Après ce repas, impossible de bouger nos fesses pour la marche de nuit, tant pis, on la fera en rêve.
17 Août: Nous croisons toute une bande de coatis en sortant de notre cabane ce matin, peut-être pour nous souhaiter un bon retour, et oui, nous partons de la réserve Serere cet après-midi, sans gaieté de coeur.
La pâte ainsi faite accompagne les galettes de yucca au fromage. Le mortier sert ensuite à écraser les ignames en purée collante, qui, roulée en boule sont fourrées avec du fromage et cuites à la poêle. Tout ça est bien consistant et réconfortant, une fois tout ça dans le ventre, on ne mange plus pendant 3 jours!
Finalement, on petit déjeune quand même, même après s’être juré qu’on ferait 3 jours de jeune suite aux galettes de yucca. Bref, ce matin on va la jouer cool, on va promener en pirogue. Observation des oiseaux, et du fameux Serere, celui qui a donné son nom à la réserve.
Ce soir, le cuisinier va nous montrer la préparation d’une recette traditionnelle, nous sommes bien attentifs car on sent que cela va plaire à nos papilles. Au menu, Locro, une bonne soupe à la viande, aux légumes et aux épices. Pendant ce temps, les ignames cuisent, ici, en Bolivie, ils appellent ça du yucca.
Les bananes plantain (bananes à cuires) sont coupées en tronçons et sautées à l’huile, et ajoutées dans le mortier à la viande séchée, au préalable réhydratée, le charque.
Après 4 heures de méditation sur le lac paisible, nous rejoignons la grande maison pour notre dernier repas. C’est là que nous voyons prisonnier de la moustiquaire, Monsieur Morpho. Alors là, on ne va pas le louper, mais étant très pudique, il ne nous dévoile pas ses ailes à l’arrêt. On le mitraille quand même, il va bien finir par les ouvrir.
Nous verrons parfaitement ses ocelles, imitant des yeux d’oiseaux pour effrayer les prédateurs. Nous n’aurons de ces ailes bleues que deux ou trois photos un peu floues, toujours très rapide, difficile de faire le point.
Voilà, c’est sur cette belle note que s’achève notre trip jungle. Notre pirogue nous attend, Rosa Maria la prendra avec nous. Nous avons trois heures de pirogue pour le retour à contre courant.
Un fois à l’agence, nous donnons nos photos du carnage, et papotons un peu.
Notre avion ne part que demain, nous profitons donc un peu de l’ambiance nonchalante de Rurrenabaque. Nous allons aussi à la rencontre de celui qui fait de si bonnes pizza ici... (hé hé, on a pas oublié!) Thierry, un boulanger Français à qui nous achetons des pains au chocolats et des croissants dignes des meilleurs que l’on mange en France. Il nous rassure sur le fait que nous pouvons bivouaquer au bord du fleuve sans problème dans des coins qu’il nous indiquera lorsqu’on reviendra, parce que c’est décidé, we’ll be back!
18 Août: Nous attendons notre avion à 13H30, ce qui nous laisse du temps pour aller saluer à nouveau les filles de l’agence, et remercier Rosa Maria Ruiz pour tout ce qu’elle fait pour l’environnement. Nous sommes honorés de l’avoir rencontré.
Nous reprenons le petit dornier, mais cette fois-ci avec un pilote un peu plus casse-cou qu’au départ. De bonne humeur et complice avec son co-pilote, ils nous font quelques petits tours de zig-zags au ras de la forêt, avec la ligne d’horizon qui part dans tous les sens. N’ayant fait que des longs courriers, nous ne sommes pas habitués à voir l’horizon sous ces angles là! surtout que nous avons vue par le cockpit!
Quelques turbulences nous font sourire un peu jaune, mais voyant les pilotes toujours avec la banane, il n’y a pas de raison de s'inquiéter.
Voilà, nous revoilà de retour à Alcatraz, mais plus pour longtemps, prochain carnet de voyage au Pérou, où nous allons rejoindre Jessica, Nicolas et Elliot.