4 Juin: Nous arrivons à Taltal de bonne humeur, les couleurs des maisons nous rappellent celles de Caldera, avec son ambiance de port de pêche. Les restes de poissons sont jetés sur la plage par les pêcheurs, les pélicans fainéants se jettent dessus mais sont aussitôt chassés par des meutes de chiens affamés. C’est la bagarre, et c’est un peu ragoûtant de voir ces animaux sur ces tas d’abats sanguinolents avec leurs gros becs qui s’emmêlent et leurs pattes maladroites, se tombant dessus les uns les autres.
Le brouillard ne se lève pas aujourd’hui, heureusement que les jardins et places de la ville sont fleuries et que les colibris viennent y butiner, sinon les journées chiliennes sont plutôt tristes à cause de cette camanchaca qui écrase le paysage jusqu’à midi, retombe vers 16 ou 17h, avec un soleil qui décline à 18h. Les journées sont donc plutôt courtes en ce moment.
Après avoir fait les courses et avoir goûté une spécialité locale sur le petit port, nous replions bagage pour nous rendre à Antofagasta afin d’acheter un nouveau gps et de faire les vidanges du camion.
Il y a une route sur le plan qui longe la côte jusqu’à Antofagasta, et nous prévoyons au moins deux nuits sur la plage pour ce trajet de 300 km, mais à une vingtaine de km après Taltal la route nous est interdite car elle est en train d’être asphaltée. Nous sommes obligés de passer par le désert, cela rallonge la route de 150 km et le paysage ne nous diverti pas du tout. Que de la morne montagne, des camions en majorité, et de nouveau ce foutu brouillard avec un soleil voilé de face qui nous fatigue. Nous nous posons dans un coin isolé du bord de route pour passer la nuit à 45 km d’Antofagasta.
5 Juin: Que des mines sur notre route hier, et que des industries aujourd’hui en amont de la ville.
Cependant, le centre est bien différent de ce qu’on peut imaginer en voyant cette ville de 285000 habitants de l’extérieur. Tant mieux car nous allons y rester quelques jours pour régler certaines petites choses.
Première étape l’office du tourisme, la jeune fille parle un anglais impeccable, ça nous change, surtout que depuis que nous sommes au Chili, nous avons l’impression de repartir de zéro avec la langue. Nous ne comprenons pratiquement plus rien, et les gens ne font pas l’effort de nous comprendre. C’est un peu désespérant, les gens parlent beaucoup plus vite, mais on s’y fera. Elle nous renseigne très bien, et partons faire un tour en ville pour débusquer notre futur GPS. Il y a deux grand centres commerciaux, mais ils ne sont pas à la page niveau technologie. Très peu de GPS, et pas ce qui nous conviendrait. ça nous embête drôlement car nous pensions aller en Bolivie en passant par San Pedro de Atacama, assez proche d’ici, mais entrer par le Sud Lipez sans GPS ni boussole, c’est un peu risqué.
Nous passons un moment en ville à faire du repérage, la place est très belle, les pigeons y prennent des bains et Thille y lave ses pieds. La communauté Britannique est encore bien présente ici, d’ailleurs, nous avons l’impression de nous retrouver devant un mini Big Ben au centre de la place et les drapeaux des deux pays sont mêlés en signe d’amitié.
Nous trouvons une maison de change qui accepte de changer nos centaines de pesos Argentins contre des centaines de millier de pesos Chiliens. Là aussi, il faut s’adapter à nouveau, c’est un peu plus dur avec tous ces chiffres, mais nous voilà presque millionnaires à présent!
Le camping indiqué par l’office du tourisme se trouve à une dizaine de km de la ville au bord de l’océan. C’est un peu cher pour un camping, mais
il y a une douche chaude et nous en avons bien besoin. Les installations sont correctes et nous ne pouvons pas être plus près de l’eau et des pélicans que l’on regarde voler en escadron au dessus des vagues permanentes. Nous y rencontrons Nelly, Guy et Yoni, des baroudeurs français avec qui nous partageons un bon apéro, famille charmante voyageant en Land discovery.
6 Juin: Nous continuons notre visite de la ville et allons sur le port pour trouver le marché aux poissons qui fait tant défaut à ces petites villes de pêcheurs qui n’ont que quelques stands ouverts à des heures improbables. Là nous sommes gâtés, avant même d’entrer dans le marché couvert, des otaries et lions de mer assurent le spectacle dans le port. Un jeune paraissant très démuni y a trouvé là un moyen de se faire quelques pesos. Il récupère les têtes de poissons au marché et les donne aux bestioles en faisant le show, comme à Marineland. Les passants s’arrêtent et observent les scènes assez comiques des otaries en attente de nourriture. Personne n’ose les toucher sauf lui.
C’est sûr, c’est plus facile de casser la croûte ici qu’au parc Pan de Azucar! Il n’y a qu’à ouvrir le bec!
Les environs de ce marché sont très animés, il y a beaucoup de monde qui parle, crie, bouscule, chante, rouspète, mange, ou lit la bonne aventure à qui veut bien l’entendre. Certains poissons sont impressionnants et magnifiques. On s’imagine sous l’eau face à des engins pareils.
ça pendouille de tous les côtés, on se fait accoster mais on ne pige rien au baratin des poissonniers, ce qui nous arrange bien dans ce cas précis, il y a des tas de sortes de coquillages inconnues de nos étals en France, et des moules géantes qu’on pourrait farcir comme des courgettes.
Nous ne résistons pas à l’appel d’une gargote qui vend des marineras, soupes de fruits de mer. Les «trucs» qui y flotte sont indéfinissables, mais le résultat est vraiment délicieux.
Le cuisinier nous fait un très bon accueil et nous propose de nous prendre en photo. Nous avons bien senti la différence de comportement des Chiliens par rapport aux Argentins qui sont beaucoup plus distants et indifférents à notre passage. C’est un changement radical, en Argentine, nous ne pouvions pas nous arrêter quelque part sans faire une visite du camion aux gens qui nous voyaient en descendre. Ici, tout le monde s’en fiche, ou feint de s’en fiche car ils nous regardent quand même du coin de l’oeil. Cela fait des vacances à la chambre de toit que l’on ouvrait sur les parking pour satisfaire la curiosité des gens.
Après cette bonne soupe dans le marché aux décorations prêtes pour Noël prochain nous partons en quête de wifi, pas facile à trouver. Nous faisons tous les bars de la ville! Bon, on a fini bourrés, on s’est fait dépouiller par les gitanes et les pêcheurs nous ont jeté à poils dans le port avec les otaries. Mais non...Nous trouvons une connexion dans un resto-bar un peu branché dans la galerie marchande, et nous nous retrouvons témoins d’une scène qui nous a valu un fou rire dont on se souviendra. Une horde de jeunes filles excitées toutes agglutinées aux vitres de ce bar en train de pousser des cris et de prendre des photos avec leurs portables. La direction du bar demande au vigile de bloquer les portes afin de ne pas être envahis et nous demandons à la serveuse pourquoi tant de foin autour de nous. Elle nous répond que nous sommes assis à côté d’une personne très importante: un animateur danseur dans un show télévisé. En effet, il est sûrement très important!!! Ce petit bonhomme qui ne paye pas de mine rend dingue les filles d’ici. Et nous les rendons dingues aussi car nous occupons une place qu’elles aimeraient bien avoir, alors que nous, on s’en fout! Le manège dure tout le long du repas de ce jeune et ses 2 potes, et nous on reste jusqu’au bout parce qu’on se marre trop.
7, 8, 9 Juin: Nous passons notre temps en ville afin de trouver tout ce dont nous avons besoin pour la suite du voyage, huiles pour les vidanges, poste, pièces, recherches sur le net... les journées sont bien occupées mais pas toujours fructueuses, mais le coin est quand même bien agréable pour y séjourner un peu de temps.
Dimanche soir, nous sommes invités par une bande de jeunes de la vingtaine qui font une fête bières-viandes grillées sur la plage du camping. Ils nous convient à partager leur apéro-dînatoire et nous passons un chouette moment avec ces jeunes étudiants qui travaillent tous à mi-temps au casino. Nous avons appris beaucoup de choses sur les Chiliens grâce à eux. En effet, lorsqu’ils le veulent bien, ils peuvent parler dans un espagnol compréhensible. Il existe dans ce pays un langage argotique qu’on ne trouve pas ailleurs selon eux. De plus, ils contracte les mots, c’est pour cela qu’on ne pige rien depuis que nous sommes ici. Rares sont ceux qui font l’effort de parler correctement. Ceci dit, une fois qu’on arrive à faire sourire un Chilien, c’est gagné! Ils sont très gentils, nous avons même reçu un mail très amical d’un homme ayant vu l’adresse sur le camion.
Nous avons été heureux de rencontrer ces jeunes gens qui nous ont montré qu’ils respectaient la nature, et qu’ils voulaient vivement que les Chiliens fassent des efforts pour ne plus balancer leurs poubelles de partout sur les plages et dans les terres. Une bonne prise de conscience de leur part, et ça donne de l’espoir.
Une des filles me montre fièrement son tee-shirt sur lequel est écrit un slogan en faveur du recyclage. Les sacs donnés aux supermarchés d’Antofagasta sont biodégradables me dit-elle. La relève va peut-être sauver le littoral.
Nous allons coucher avant eux, car ils vont faire la fiesta «jusqu’à la mort!» nous dit Mikaël, ça promet.
10, 11, 12: Je résume car nous ne faisons rien d’autre que de l’internet et de la recherche de pièces pour le camion. Nous trouvons toutes les huiles qu’il nous faut pour les vidanges, mais pas le compteur kilométrique. Claude et Alain, les amis voyageurs rencontrés à Salta (exploracy) ont des problèmes bien plus graves que les nôtres concernant leur véhicule. Alain part en France chercher une boite de vitesse et nous le missionnons de récupérer notre compteur et notre GPS finalement commandés sur internet et livrés en France chez un de ses amis. Un beau
mic-mac qui nous fait stresser un peu car Alain ne reste que 4 jours en France et il ne faut pas louper les livraisons. Comme celui-ci revient retrouver Claude et leur camping-car à La Paz, en Bolivie, il nous faut nous bouger un peu pour les rejoindre là-bas. Nous changeons donc nos plans, nous n’irons pas à San Pedro de Atacama comme prévu initialement, nous longerons la côte Pacifique jusqu’à Arica, l’extrême Nord du Chili, puis direct La Paz. Nous serons bien content de les revoir tous les deux!
Nous faisons les 11 vidanges du camion en un jour et demi, et nous quittons Antofagasta le 13 Juin au matin avec une dernière chose à faire, recharger la bouteille de gaz afin de pouvoir nous chauffer en Bolivie.
Nous quittons cette ville tournée vers le Pacifique et accrochée à la montagne que nous avons apprécié, avec le coeur léger comme à chaque fois que nous nous apprêtons à découvrir autre chose.