L’Araucanie

30 Avril: L’Araucanie doit son nom à un arbre très particulier. Cet arbre élégant, qui peut atteindre 50 mètres de haut et vivre 1000 ans, a une écorce ressemblant à une peau d’éléphant ou à une carapace de tortue, c’est selon son imagination. Ses feuilles sont dures, pointues et acérées, ce qui lui vaut un surnom qui lui a été donné par son premier importateur en Europe dans les années 1850: le désespoir des singes. Mais la nature est bien faite, il n’y a aucun singe à l’horizon dans cette partie du globe! C’est un arbre fossile, rescapé de l’histoire sûrement parce que les dinosaures ne pouvaient pas en manger les feuilles. Nous passons donc la frontière et pénétrons un forêt d’Araucarias dont les hauteurs attestent de l’âge avancé des spécimens.

C’est la première fois que nous les voyons à «l’état sauvage» et aussi vieux. On s’aperçoit que les branches basses tombent à mesure que les arbres poussent, et ce sont les cicatrices qui donnent cet aspect de peau de pachyderme à l’écorce.

La pomme de pin géante de ce conifère met deux ans à mûrir, les pignons d’environ 5 cm de long sont comestibles et on les trouve sur les marchés en vente car ils font partie de la cuisine Mapuche. La culture n’est pas intéressante car il faut atteindre l’âge de 30 ou 40 ans à un araucaria pour fructifier, ce qui fait un peu longuet... Il est tellement majestueux et impressionnant qu’il est l’arbre National du Chili. En langage Mapuche, il est appelé Pehuen.

Nous redescendons en altitude où nous nous sommes bien gelés, nous avons eu de la chance de ne pas avoir de mauvais temps qui nous aurait valu de la neige car la température extérieure avoisine les -2 degrés. Il fait meilleur à Currarrehue, la première ville rencontrée après le paso international Mamuil Malal habitée par les Indiens Mapuches.

N’ayant pas trouvé de quoi changer quelques pesos Argentins contre quelques pesos Chiliens, nous poussons jusqu’à Pucon, haut lieu touristique de l’escalade, du trekking, du rafting, du ski et du farniente dans les sources chaudes que le menaçant volcan Villarrica offre comme une contrepartie à son instabilité capricieuse.

1er Mai: C’est une vraie émotion de voir ce volcan actif fumer tout le temps. Un inquiétude aussi, mais les gens d’ici n’ont pas l’air de s’en soucier. Une belle éruption en 84 a permis aux photographes de s’en donner à coeur joie, tandis qu’en 71, l’éruption a fait fondre les glaciers qui ont entrainé des coulées de boues faisant des victimes.

Nous bivouaquons à son pied, sur la plage du lac Villarrica en attendant nos amis Gilberte et Jean-Paul que nous avions rencontrés en France avant notre second voyage et qui voyagent eux aussi en Pinzgauer.

Ce magnifique cône basaltique de 2847 mètres est sous surveillance permanente, vous vous en doutez, et à la mairie nous pouvons voir les feux d’alertes, et en ce moment, le feu est vert, donc nous sommes tranquilles!

Après un rendez-vous loupé pour une mauvaise saisie de point GPS, Gilberte et JP nous retrouvent sur notre bord de lac en soirée alors qu’ils étaient à l’autre bout à nous attendre depuis ce matin. Heureusement qu’ils ont eu l’idée de faire une marche qui leur à permis de nous voir de loin sinon nous serions partis sans nous voir!

C’est l’occasion de faire un bel apéro au coucher de soleil. Nous sommes tout contents de nous retrouver de l’autre côté de l’Atlantique avec nos Bestioles respectives, aménagées toutes deux bien différemment!

2 Mai: Nous choisissons ensemble le bout de route que nous allons faire, le but du jeu est de trouver un camping possédant des sources chaudes dans un milieu naturel et solitaire. Nous optons pour la boucle Currarrehue-Regoilil qui doit nous faire aller à Villarrica en passant dans la forêt humide.

Notre route nous permet d’avoir un autre bel aperçu du volcan qui fume plus qu’hier.

Nous empruntons cette longue piste qui doit nous mener aux thermes de San Sebastian. Le paysage est fabuleux, nous passons d’une forêt s’apparentant à ce que nous avons vu jusqu’à présent à une forêt pluviale qui s’offre à nous sous son plus beau jour, pas un nuage à l’horizon.

La journée étant bien avancée et les thermes qui se font désirer, à croire qu’ils n’existent pas, sauf sur notre plan local qui n’a rien de précis du tout. Je demande notre chemin à un vieux monsieur Mapuche qui me raconte des tas de trucs incompréhensibles sur des directions potentielles dans les bois pour à la fin me dire... eh ben ce n’est pas par là, il faut aller tout droit. Il aurait pu commencer par là mais bon, ça nous rassure sur l’existence de ceux-ci.

Nous trouvons un coin entre araucarias et rivière pour dormir. Une heure après avoir monté la tente de toit, le Thillou la referme car la température chute gravement!

Même le feu à du mal à nous réchauffer, mais nous mangeons quand même dehors, le vin et l’amitié nous réchauffant l’âme!

3 Mai: Après une nuit glaciale, nous sommes plus que décidés à trouver ces fameux thermes, nous en avons vraiment besoin. Je ne sais pas si j’ose le dire, mais oui, nous avons aussi besoin d’un bon décrassage! Le paysage change, nous sinuons dans une végétation très dense, où seuls quelques bûcherons que nous croisons peuvent nous confirmer que nous sommes toujours sur le bon chemin.

Après plusieurs heures de piste de terre très confortable, nous arrivons enfin à ce fameux camping. (S 39°06.453, W 071° 36.895) Une petite dame nous accueille bien gentiment et nous annonce un prix réjouissant avec piscines naturelles très chaudes à volonté, électricité et bois compris! Nous avons trouvé le paradis!

L’isolement de l’endroit nous étonne, on se demande qui peut bien venir jusqu’ici, faire presque deux jours de piste pour se retrouver là! Mais du coup, cela nous enchante de nous savoir seuls ici.

Une fois installés, la dame vient nous voir et nous dit que Ben Laden est mort, nous avons eu beaucoup de mal à comprendre de quoi elle nous parlait, on cherchait ce que voulait bien pouvoir dire binladin en espagnol étant si déconnectés de l’actualité.

Si isolée soit elle, à couper son bois, zigouiller ses moutons et filer sa laine, elle a quand même l’écran plat et le satellite!!!

L’air est très très humide, les chaussettes qu’on essaie de faire sécher depuis deux jours sont plus mouillées qu’après essorage. Alors ne reste qu’une chose à faire... TREMPETTE!

Trempette le midi, trempette l’après-midi, trempette à minuit... dans une eau si chaude qu’elle fait tourner la tête.

4 Mai: Journée tranquille au camping où les hommes troquent leurs pièces détachées et font quelques réglages. Thille est avec son mentor de mécanique sur Pinz, alors il en profite, et JP est tout content de pouvoir partager avec un autre bonhomme son expérience.

D’ailleurs ils sont bien meilleurs en mécanique qu’en pêche à la truite, après avoir perdu chacun un leurre, ils ont fini par abandonner et adios nos espoirs de truchas à la parrilla. Tant pis, ce soir, on se fait un chili au coin du feu.

5 Mai: Nous quittons la mamita et ses baignoires magiques pour rejoindre la ville de Villarrica, toujours au pied du volcan du même nom, à 25km de Pucon. La piste nous offre encore de beaux panoramas. Nous passons devant des lacs sauvages et paisibles aux couleurs sublimes, endroit idéal pour camper.

Côté forêt, cette zone humide nous réserve encore une surprise: nous rencontrons par hasard une fleur, la Copihue. Elle est endémique et ne se trouve qu’entre Osorno et Valparaiso. Cette magnifique plante grimpante peut atteindre les 10 mètres de haut et ne se trouve que sous les arbres où la lumière ne peut pas l’atteindre.  C’est une espèce protégée en voie d’extinction, mais elle est à l’origine d’une légende Mapuche...

Voici notre compagnon de table, nous avons pensé que ce beau coléoptère ferait bien l’emblème de notre Bestiole!

Nous profitons encore pleinement de ces piscines chaudes, mais il est temps de partir, Gigi et JP sont à la fin de leur voyage et un cargo les attend dans trois semaines à Buenos Aires, il faut alors reprendre la route dès demain, mais il y a encore d’autres choses bien agréables à faire dans cette région, et nous irons sûrement nous baigner dans d’autres sources chaudes avant de quitter le Chili.

Il y a très longtemps, quand le Chili était habité par les Pehuenches et les Mapuches, vivaient une belle princesse Araucan nommée Hues, et un vigoureux prince Pehuenche nommé Copih. Malheureusement, les deux tribus se détestaient à mort.

Copih et Hues ne pouvaient se rencontrer que dans des endroits secrets dans la forêt jusqu’au jour où les parents des deux amoureux les surprirent enlacés près de la lagune. Nahuel, le père de Hues et chef des Araucans lançât sa lance qui traversa le coeur de Copih. Il s’écroula et tomba dans la lagune. Copinel, le père de Copih, et chef de la tribu Penhuenche fit de même, tua Hues une lance dans le coeur. Elle disparu à son tour dans la lagune.

Les deux tribus pleurèrent longtemps. Un an après, les Araucans et les Pehuenches se réunirent de nuit sur les rives de la lagune pour les rappeler et s’y endormirent. A l’aube, un phénomène inexplicable leur est apparu, du fond de l’eau, deux lances croisées affleuraient la surface. Deux grandes fleurs de forme allongée les liaient, une rouge comme le sang, une blanche comme la neige.

Ainsi, les tribus ennemies comprirent ce qui se passait. Réconciliés, ils décidèrent d’appeler la fleur Copihue, de l’union des prénoms des deux amoureux. C’est l’histoire de la fleur nationale du Chili.

Nous finissons la journée sur une piste désagréable, les 50 derniers kilomètres sont bien familiers question paysage, châtaigniers, mimosas, eucalytus, hêtres et fruitiers, et heureusement, les seules choses qui tombent du ciel sont les feuilles mortes de l’automne et non la pluie qui ne se montre toujours pas, et c’est tant mieux.

Nous atterrissons dans un camping à Villarrica avec du wifi à gogo, de l’eau, des châtaignes et des belles amanites tue-mouche hallucinogènes que nous laissons là où elle sont, nous, on préfère commencer notre soirée avec du rhum et du vin, concernant les effets, c’est du sûr, et puis c’est notre dernière soirée ensemble!

6 Mai: Et voilà, nos quelques jours de bourlingue ensemble, entre véhicules frères s’achèvent, nous nous séparons, nos routes diamétralement opposées, nous vers Valdivia plein Ouest, et les Delmas vers Buenos Aires, plein Est. C’est avec un pincement au coeur que nous les voyons s’éloigner, leur retour pour la France se précise, dans 3 semaines ils doivent être sur le cargo et nous savons qu’ils auraient aimer faire un peu plus de chemin sur ce merveilleux continent. Mais... ils reviendront!