27 Septembre: A 70 km de bonne piste de Puerto madryn, il y a un cap, juste en face de la péninsule Valdès, au bas duquel se trouvent quelques colonies d’éléphants de mer, animaux de la famille des phoques, mais en beaucoup plus impressionnant. Nous y retrouvons Lise et Hervé, et, à peine arrivés, nous souhaitons crapahuter en bas de la falaise afin de les découvrir pour la première fois.
Notre premier nez à nez avec ses gros animaux nous laisse muet, nous ne nous attendions pas à des animaux de cette taille. C’est vrai que lorsqu’on regarde un reportage à la télévision sur les éléphants de mer, on ne se rend pas bien compte de la masse que cela représente sans échelle. Un mâle peut peser jusqu’à 3 tonnes pour 5 mètres de long, ce qui nous fait déguerpir lorsqu’il se met à ramper dans notre direction. On sait qu’on a l’avantage sur lui question vitesse, mais alors il n’est pas question de trébucher et de se faire écraser ou mordre. De toute façon, rien qu’au regard, on détale!
Ce harem comporte 13 femelles pour un mâle. Paraît-il qu’il peut s’entourer d’une trentaine de femelles parfois, le veinard.
Au bout d’un moment d’observation de cette colonie, nous nous apercevons qu’une des femelles se tortille et lorsqu’elle lève la queue, nous voyons un oeuf rouge... signe d’une naissance imminente pensons nous. Bonne pioche, c’est là qu’on se félicite d’avoir eu la bonne idée d’emporter le camescope avec une batterie et une cassette pleine! Et surtout d’avoir fait le choix d’aller en bas de la falaise cet après-midi car nous hésitions à y aller tout de suite. Il y a des jours où la chance nous sourit.
A première vue, ces animaux ne sont pas les plus élégants que nous ayons vu dans notre vie jusqu’ici. Ils grognent, pètent, éternuent, se mouchent, ont de la morve qui coule presque constamment, se déplacent difficilement de la même façon que des larves, rampent sur leurs propres déjections, sans parler des filets de bave qu’ils ont perpétuellement au coin de la gueule. En fait, ils paraissent très laits.
Nous patientons, aux aguets, une bonne demie heure, puis la tête du petit éléphant apparaît.
La voisine rouspète et grogne, donne des coup de dents à la future mère, comme quoi on peut mettre bas et se fâcher avec ses voisins en même temps. Après avoir eu une approche brutale des cailloux de la plage, la mère lui traînant la tête dessus, le petit est expulsé en 5 minutes.
Cependant, petit à petit notre oeil s’habitue, et à les observer plus longuement, on leur trouve le regard doux, la ligne qui dessine leur bouche est souriante, les éléphanteaux sont magnifiques et leurs petits jappements sont attachants, tous ont un timbre de voix différent. Ils se grattent délicatement avec leurs ongles au bout de doigts articulés emmitouflés dans une palme fine, se caressent la tête, baillent en mettant la palme devant la bouche, des attitudes presque humaines.
Voilà encore un moment privilégié. Je n’ai jamais vu de bébé chien naître, mais je vois un éléphant de mer vivre ses premiers moments à 5 mètres de nous. Olivier nous rejoint, sa famille et lui viennent d’arriver également à Punta Ninfas, on se retrouve donc la même petite équipe qu’à Las Canteras.
Nous lui annonçons à quoi nous avons assisté en lui montrant le petit encore tout mouillé et toujours attaché à son cordon, ce qui, pour les jours à venir, sera le leitmotiv de toute la troupe et les descentes de la falaise se feront dans l’espoir d’ assister à une nouvelle naissance.
28 Septembre: Hervé nous réveille à 8h en tapant sur la coque du camion en criant ORQUES!!! Un peu dur de se tirer du lit après l’apéro retrouvailles de la veille. En même temps, on ne s’était pas quitté depuis longtemps, juste quelques heures, mais bon, tous les prétextes sont bons. De plus, se dépêcher à s’habiller pour aller voir les orques n’est pas déplaisant, n’est-ce pas?
J’arrive seule et la dernière sur le site après 10 minutes de marche jusqu’à la pointe, le Thille n’ayant pas réussit à se motiver, mais heureusement pour moi il n’est pas trop tard, ils sont là, 3 femelles tournant autour d’un petit lion de mer qui va sûrement servir de petit déjeuner.
Nous ne verrons plus le petit lion de mer, mais nous ne verrons pas de sang non plus, alors...
C’est assez rare de les voir, nous avons encore une chance incroyable malgré le temps gris.
Nous allons ensuite sur la plage pour aller voir deux autres colonies d’éléphants de mer, à une heure, puis une heure et demie de marche après avoir fait un peu de rappel avec des cordes pour descendre la falaise sableuse et friable. Ici on se bouge les fesses, de la marche dans les cailloux, de la grimpette, on ne lésine pas sur le plat de pâtes ou de crêpes le soir en rentrant. Tout ça nous fait le plus grand bien et le Thillou aime se dépenser et voir des choses intéressantes à la fois. Les ingrédients sont presque tous réunis, il ne manque que la chaleur qui nous fait un peu défaut.
Ce harem bien gardé par un gros mâle à la trompe pendante est convoité par un congénère qui cherche comment s’approcher des femelles sans trop attirer l’attention du dominant. Mais il se fait démasquer en se dressant pour voir derrière la butte.
Le dominant l'aperçoit et se met à grogner et ramper si vite vers l'intrus que Thille se trouvant au milieu en train de filmer est obliger de laisser tomber ses activités cinématographiques pour courir le plus vite possible loin des deux mammouths.
Lise et moi regardions la scène de loin en nous bidonnant, c’était trop drôle.
Finalement il n’y aura pas d’affrontement, l'intrus préférera décamper ne se sentant sûrement pas de taille à livrer bataille. Les bagarres doivent être très violentes, les cicatrices et blessures nombreuses de la trompe à la queue le prouve.
29 Septembre: Le temps est redevenu clément, l’air est un peu plus agréable, et le vent n’est pas violent. Aujourd’hui nous allons faire comme d’habitude, observer les éléphants et guetter les orques à marée haute. Seuls les éléphants sont au rendez-vous bien sûr, ils vont rester sur les plages le temps des naissances, du sevrage et des accouplements jusqu’en Novembre, après quoi ils rejoindront leur élément le plus naturel, l’eau. Ils pourront enfin se nourrir aussi.
Nous sommes donc tous dans l’attente de l’une de ces activités, comme des voyeurs, nous attendons qu’il se passe quelque chose, de préférence du sexe et de la violence, comme dans les feuilletons de notre époque. Alors on attend, aller, une petite bagarre entre mâle quoi!
Mais que nenni, juste de la bronzette.
Sur le chemin nous faisons ami ami avec un manchot de Magellan solitaire et pas farouche pour un sous. Pour une fois qu’on en voit un vivant sur la plage! D’habitude on ne les trouve que secs et momifiés, souvent mazoutés par ailleurs.
Il ne se préoccupe pas de nous, il se nettoie les ailes et le plumage, ça y est, on est amoureux!
Près de lui, des fanons de baleines, qui me dépassent assez pour nous prouver que la mâchoire d’une baleine est assez grande pour y tenir dedans comme l’a fait un jour Pinocchio.
30 Septembre, 1er Octobre: Les journées passent vite, nous les passons à l’observation, ce qui nous occupe pleinement car nous nous sommes attachés à ces grosses bêtes que nous connaissons presque personnellement maintenant. Toujours quelques mâles essayent de détrôner le dominant sans succès, un regard et tout le monde rebrousse chemin. Nous n’aurons pas les affrontements attendus, ni une deuxième naissance, ce qui aurait fait tant plaisir aux Paillot et à Lise et Hervé. Mais la saison n’est pas terminée, en restant encore quelques semaines et avec de la patience, ils réussiront à y assister, en tous cas on leur souhaite.
De notre côté, nous reprenons la route demain pour Trelew afin de faire quelques signes de vie à la famille et à nos amis. Le camion a besoin de réglages de carburation aussi, puis nous verrons pour la suite, soit nous revenons à Puerto Madryn et ses environs, soit nous couperons d’Est en Ouest pour visiter la région des lacs.
Nous garderons un souvenir impérissable de cette région riche d’ une faune exceptionnelle, et nous ne remercierons jamais assez Lise et Hervé de nous avoir fait connaître ces coins loin de ceux trop convoités par les agences de voyage, en pleine nature et si proche des animaux. Merci aussi à Fabienne et Olivier, qui, avec gentillesse, nous ont proposé tous les soirs de venir nous réchauffer autour d’un verre dans leur camping car, pour partager nos expériences vécues dans la journée.
Merci à toutes ces braves bestioles d’ avoir toléré chaque jour que nous nous immiscions dans leur vie privée sans jamais nous donner l’impression d’être de trop.
C’est là qu’on se dit que l’éthologie est vraiment une belle discipline.