1er Octobre: Nous quittons la Punta avec la sensation de n’avoir pas totalement assouvi notre soif animalière. Cela nous frustre un peu, mais Thille voudrait tirer au clair une petite fuite d’huile au maître cylindre de frein, changer les joints de carbu et éventuellement refaire la garnitures des freins. Nous savons qu’un expatrié Français vivant à Trelew est garagiste. Trelew n’est pas très loin, 90 km de Ninfas. Nous décidons d’y aller pour prendre rendez-vous avec lui, faire de la mécanique dans un vrai garage avec un Français va sûrement faciliter les choses question compréhension technique.
Nous faisons donc la connaissance de Maurice et sa femme Argentine Sylvia. Celui-ci est un spécialiste des freins et de l'hydraulique, ce qui est parfait pour nos besoins, mais a du travail par dessus la tête. IL nous donne rendez-vous pour dans 6 jours.
Alors nous prenons une très sage décision: retourner à Las Canteras voir les baleines à nouveau.
Nous y retrouvons la bande habituelle et passons encore ces jours à profiter de la valse des cétacés.
Au cours d’une promenade, nous nous retrouvons nez à nez avec un serpent qui ne ressemble pas à une couleuvre, et à y regarder de plus près, on trouve qu’il a une belle tête de crotale. Et on ne s’est pas trompé, en se déplaçant, il nous fait sonner les clochettes de sa queue en guise d’avertissement. Nous avons bien un serpent à sonnettes sous les yeux. Fabienne n’ira se promener qu’avec une escorte dorénavant!
Cette première nuit au bord du boulevard est cauchemardesque. Après avoir dormi si longtemps au bord de mer, nous voilà bercés par un opéra de pots d’échappement percés, de camions rugissants, de vibrations assourdissantes... à chaque passage de véhicule nous nous taisons car aucune voix ne peut couvrir ce tintamarre qui, lorsque nous dormons, transforme nos rêves de baleines et de dauphins en monstres horribles et menaçants grondants gueules grandes ouvertes. Ce n’est que vers 3 h du matin que les bruits s’estompent, et reprennent dès 7 h, peu de répit.
8 et 9 Octobre: Encore deux journées bien remplies et les mecs sont efficaces. Maurice a fait un travail excellent sur les maîtres cylindres et le cerveau frein. Un de ses collègues mécanicien spécialiste des carburateurs nous donne rendez-vous la semaine prochaine pour un réglage optimal. Chouette, on retourne à Ninfas une semaine! Adios la pollution sonore!
10 Octobre: Le temps est superbe. Ici, en Patagonie, c’est soit le froid polaire, soit la chaleur estivale, et aujourd’hui, sans vent, ce qui est extrêmement rare, nous supportons difficilement tee-shirt et chaussures de randonnée.
Le 7 Octobre: Nous sommes au rendez-vous, Thille attaque les carbus, Maurice les freins.
Très bonne nouvelle, les garnitures sont impeccables, pas besoin de les changer.
Les petits ont bien grossi, ils sont dodus et arborent pour les plus âgés une robe grise et bien lisse. Ceux si sont sevrés. Leurs mères les laissent, livrés à eux mêmes tandis qu’elles prennent le large afin de se nourrir après quasi deux mois de jeûne. Elles s’en occupent pendant une vingtaine de jours, et perdent énormément de poids à mesure que les petits grossissent. Certains font presque la taille de leur mère à présent.
En ce moment, c’est la période des accouplements et des prises de pouvoir. Nous avons laissé les colonies avec leurs mâles dominants, les pachas, et les retrouvons avec d’autres, ce qui signifie que les batailles de conquête ont commencé. D’ailleurs, les gros mâles ont de belles balafres sur leur cou et au coin de la gueule. L’un d’eux a même la trompe bien abîmée, elle ressemble maintenant plus à un gros bout de peau de saucisson mâchouillé!
Nous assistons à l’ accouplement d’un mâle opportuniste avec une femelle un peu isolée. Il n’a pas été vu du Pacha et en a profité pour attraper la belle sans protection. L’acte paraît sauvage, le mâle la maintient avec son poids et ses dents et ses griffes. Il la mord au cou, elle se tortille, grogne et agite sa queue. Son étreinte est maladroite et nous constatons que si elle le voulait, elle pourrait s’en dégager.
Cela dure une bonne dizaine de minutes, puis chacun repart de son côté.
Lorsqu’un mâle étranger s’approche d’une femelle et tente de s’accoupler avec, s’il est vu, le dominant rampe vite et met en fuite l’intrus, si celui-ci ne recule pas assez, c’est l’affrontement, et cela se produit deux fois sous nos yeux écarquillés pendant nos heures d’observation.
Les batailles auxquelles nous avons assisté se sont produites dans l’eau, au bord de la plage. Les deux mâles se regardent en grognant si fort que de la buée s’échappe de leur gueule, ils s’élancent, et se tombent dessus à pleine dents. Les coups de têtes forment des gerbes et l’écho de leurs rugissements nous revient après avoir heurté la falaise, c’est fantastique et presque surnaturel!
Pendant ce temps, tout près de la scène, des otaries se prélassent et surfent les déferlantes de la marée descendante.
Le gagnant retrouve la plage et ses femelles, le perdant s’exile un peu plus loin, mais pas trop au cas où l’autre s’endormirait! Nous constatons les blessures de cette dernière guerre , qui ne sont pas si impressionnantes que certaines, plus ou moins cicatrisées que l’on voit sur le corps des mâles, mais aussi des femelles et parfois, des petits.
Les femelles aussi sont très agressives, elles n’hésitent pas à se battre sous l’oeil étonné des petits qui s’écartent quand ça devient un peu chaud, et nous attaquent si on s’approche trop.
Fabienne, Olivier et leurs enfants sont arrivés cet après-midi, suivis de près par la famille Marcadier, Nathalie, Fred, du Var, et leurs trois garçons. Nous nous étions rencontrés cet été avant qu’ils n’envoient leur camping car par cargo pour avoir quelques informations sur l’Amérique du Sud. Et ça fait vraiment plaisir de les revoir ici, perchés sur la falaise. La journée a été très belle, mais la soirée est aussi froide qu’elle a été chaude, alors, on se donne le courage quand même de prendre un verre tous ensemble. Punta Ninfas, c’est la French connexion. Sans compter Véronique et son magnifique Scania 6x6 avec qui nous avons passé un bout de temps fort agréable hier mais qui est partie voir les baleines. Elle reviendra et alors nous serons 5 véhicules Français dans ce bout de pampa.
11 Octobre: Nous allons tous à la pointe espérer une visite des orques à marée haute, mais ils ont décidé de nous snober. Tant pis, les éléphants, eux, sont toujours là.
Encore un après-midi d’observation, juste pour faire de belles photos et vous en faire profiter si cela nous vous a pas ennuyé jusqu’à maintenant! En plus, il fait beau encore aujourd’hui.
Jusqu’au 17 Octobre: A chaque accalmie de vent, nous ne manquons pas d’aller voir nos bébêtes préférées. Le reste du temps, nous passons un peu de temps avec la bande, qui se disperse peu à peu.
Véronique est revenue et nous avons l’occasion de faire plus ample connaissance autour d’un repas ensemble dans son chaleureux camion, une chaleur qui provient sans aucun doute de la propriétaire.
Les Paillot retournent à Puerto Madryn, ils vont nous manquer, ça fait un bout de temps qu’on profite des mêmes beaux endroits, Lise et Hervé, les Marcadier aussi, mais arrivent Catherine et Gilbert. Il y a un turn over à Las Ninfas presque exclusivement Français. Pour un peu on ne serait même pas dépaysé!
Nous restons avec Véro et Dream son Scottich, ce qui renforce l’idée du Thille de pouvoir nous offrir un jour un logement mobile un peu plus confortable, une belle trahison à notre Bestiole qui ne nous déçoit jamais mais qui commence à faire juste si on envisage de ne plus jamais vivre dans une maison. Et l’idée nous trotte de plus en plus. Alors il questionne Véronique sur toute la mécanique, sur quel châssis selon nos moyens nous serions plus sereins, (Car elle en connaît un rayon sur le sujet!) tourne autour souvent pour admirer la qualité du travail réalisé sur ce camion, et passe même un coup de soufflette sur la grille radiateur comme si par enchantement il était devenu sien.
Voilà notre Bestiole et son grand frère à 6 roues:
Alors voilà, père Noël, si tu nous reçois...
Merci Véro pour ta disponibilité et ton amitié.
C’est notre dernier jour à Ninfas, et une tempête de vent nous a fait rabattre la tente de toit cette nuit avant que nous traversions l’Atlantique sans passer par la case Grimaldi. C’est dingue comme le paradis peut vite virer à l’enfer dans ce patelin.
Nous en avons profité pleinement, et il est temps de partir vers Trelew de nouveau pour notre rendez-vous réglage de carburateurs.
Et à la station YPF, nous retrouvons par hasard la tribu Marcadier à la grande joie des enfants qui voient en Thille on ne sait quel genre de super héros...