29 Octobre: En cours de route, nous passons devant le lac du petit village d’Epuyen, et voyant un panneau interdisant les camping cars, nous n’osons pas nous approcher bien qu’il ne concerne que les véhicules pendant la haute saison. La jeune fille de l’office du tourisme nous indique un camping qui donne sur le lac tenu par un couple de Français, nous décidons alors d’aller à leur rencontre.
Nous ne sommes pas déçus, et bien que les Andes Patagoniques nous offrent tous les bivouacs sauvages possibles, prendre une bonne douche chaude et passer un peu de temps avec des personnes qui connaissent bien le pays est un petit luxe qu’on peut s’offrir.
Sophie et Jacques vivent ici depuis plus de 25 ans, dans ce coin de paradis entre pins d'Oregon et arbres fruitiers au bord du lac.
Et comme ici c’est le pays des petits fruits, nous demandons à tout hasard à Sophie si elle vend ses confitures maison. En Argentine les bons produits de ce genre sont rares, et il faut toujours chercher un peu pour trouver des oeufs fermiers ou légumes du jardin.
Sophie nous montre alors son stock et repartons avec de la gelée de cassis, de la confiture de prune et des oeufs de ses poules délicieux.
30 Octobre: Nous quittons Sophie et Jacques en pensant revenir les voir car nous allons rester un moment dans cette région qui nous séduit à plus d’un titre. Les lacs aux eaux pures et claires nous offrent des campements magnifiques et gratuits, nous ne buvons plus que l’eau des sources si nombreuses, il y a des promenades à l’infini, c’est aussi la saison la plus fleurie, les lupins et les genêts sont en pleine explosion de couleur.
Aujourd’hui Sophie nous dit que c’est la féria artisanale à El Bolson, qui n’est qu’à 35 km de là. Nous filons dans cette petite ville de 23000 habitants dont les rues sont bordées de lupins multicolores, encerclée de montagnes majestueuses aux cônes enneigés et aux rivières abondantes.
El Bolson a un côté bohème, des hippies proposent leur artisanat au marché de la place centrale, et beaucoup font de gens font leur bière eux même. La bière d’ici est typée, corsée, savoureuse au goût de prairie. Peut-être cela vient il de l’eau des ruisseaux avec laquelle elle est faite.
Nous faisons aussi la rencontre du très sympathique Michel, fils de Français expatrié qui fabrique avec son frère de magnifiques couteaux auxquels nous ne résistons pas. Nous discutons un moment ensemble, ce fût bien agréable.
Ici, à El Bolson, impossible de faire la diète, les petites baraques à frites proposent des cornets savoureux et copieux, bien chauds, des empanadas, des jus de fruits frais, et des gaufres bien comme chez nous, sauf que la confiture de fraise et la chantilly sont faites maison. Le prix aussi est bien comme chez nous, le même que sur le port de Bandol, alors on n’en prend qu’une pour deux, et vous remarquerez qu’un d’entre nous est bien plus gourmand que l’autre! Devinez qui...
Bref, bières, frites, confitures, nous craquons pour tout ici. Et on va même craquer pour deux jours de cheval tellement la nature s’y prête. Nous nous renseignons, Michel nous fait une recommandation et nous irons voir le ranch concerné demain.
Ce soir nous allons sur le site de décollage des parapentes, au bout d’une piste assez défoncée qui fait reprendre du service à nos 6 amortisseurs menant au Cerro Piltriquitron qui culmine à 2260 m.
La vue sur la ville est imprenable de là haut, le coin est tranquille, et sommes au début du chemin qui conduit au bosque tallado que nous irons visiter demain matin.
31 Octobre: Comme nous sommes seuls et que la route pour venir jusqu’ici est difficile, nous laissons sans crainte le pinz tout seul pendant que nous allons marcher.
Le chemin grimpe dur et je traîne la patte alors que le Thille en grande forme comme d’habitude me met dans le vent... Nous arrivons au bout d’une demie heure à la fameuse forêt sculptée sur le versant de la montagne. Une trentaine de sculptures taillées à même les troncs ont été réalisées depuis 1998 par plusieurs artistes de nombreuses nationalités. Péruviens, Colombiens, Argentins, ont eu cette initiative après un grand incendie qui n’a laissé que des troncs calcinés et un paysage désolé.
C’est une très belle forme de Land Art mais qui mériterait un peu plus d’entretien, à moins que l’idée soit que les oeuvres disparaissent avec le temps. Nous sommes un peu déçus cependant d’en voir certaines cassées, où le bois craqué défigure l’ensemble, parfois un semblant de restauration est visible mais mal fait, comme quelques sculptures dont les veines ouvertes ont été remplies de polyuréthane dégoulinant.
Nous redescendons et allons faire la connaissance de Simon, jeune entraîneur de cheval pour le polo qui va nous guider pendant deux jours jusqu’au Cerro Azul, mais selon les pronostics météo, demain sera très pluvieux, alors nous préférons repousser à Mercredi la balade. Il nous permet de dormir devant l’usine de confiture de ses parents et nous indique un endroit chouette pour tuer le temps jusqu’à Mercredi.
1er Novembre: Ce matin le temps n’a pas l’air si capricieux que ça, mais on ne sait jamais en montagne, alors nous restons sur notre idée de faire nos deux jours de cheval qu’après demain.
Nous arrivons à l’endroit indiqué après avoir traversé des pâtures bucoliques où chevaux et poulains paissent parmi les framboisiers et les genêts. La piste est un cul de sac débouchant sur le lac Epuyen. Les nuages disparaissent complètement, il fait 30° et nous savons à présent qu’il ne faudra plus se fier aux pronostiques météo du coin. Ce n’est pas grave car nous adorons l’endroit, lac limpide au creux de montagnes enneigées dont la couche blanche disparaît à vue d’oeil avec ce soleil chaud.
Nous sommes encore ici seuls à profiter des installations gratuites de campement, table en bois, coin feu, idéal pour rattraper le retard de petite lessive et de tenter la baignade.
Le lac est alimenté par les ruisseaux qui dévalent la montagne, et comme c’est la fonte des neiges, on vous laisse imaginer la température de l’eau, mais c’est trop tentant, alors à poils et à l’eau! Mais pas longtemps, nos membres sont saisis et on ne les sent plus. En sortant de l’eau on a l’impression d’être bouillants, sensation bien agréable.
2 Novembre: Même temps qu’hier, les montagnes se reflètent presque parfaitement dans le lac, c’est si beau. On resterait bien plusieurs jours, mais il nous faut retourner ce soir en ville pour camper devant le ranch, on doit se lever tôt pour partir à cheval demain matin.
Gardant le camion pendant que le Thillou fait des courses pour la randonnée, je vois passer à ma grande surprise le camping car de la tribu Marcadier. Je cours mais ils ne me voient pas, alors dès que les courses sont finies, nous partons à leur recherche en ville. Nous les retrouvons aisément car leur camping car ici ne passe pas inaperçu. Nous nous retrouvons avec joie car nous ne pensions pas les voir dans les parages si tôt avec le programme qu’ils avaient. Nous allons au bord du rio Azul (qui porte vraiment bien son nom lorsque le soleil brille) pour passer la nuit ensemble. Nous nous faisons déloger par le gars d’un camping qui nous dit que c’est interdit et qu’il faut aller au camping. (tient donc!) comme il a raison et qu’il y a un panneau autorisant le stationnement diurne seulement, nous partons nous poser au mirador, un coin tout aussi tranquille, avec vue sur la rivière, et gratos.
3 Novembre: Nous nous séparons de la Tribu et nous nous donnons rendez-vous dans deux jours au puerto Patriada, le coin que nous venons de quitter et que nous voudrions qu’ils connaissent. Pendant que nous allons nous dérouiller les reins sur des chevaux, ils vont à l’Estancia El Maïten rendre visite à Hugh de notre part pour aller voir la tonte des moutons, car c’est demain la dernière journée.
Le temps est mitigé et on regrette presque de n’avoir pas défier la météo lundi, mais bon, on des des Cowboys, oui ou non? Alors nous nous préparons et partons à l'assaut du cerro Hielo Azul d’où nous pourrons marcher jusqu’au glacier bleu depuis le refuge.
6 heures de canasson pour l’aller, mais c’est bien plus que ça, c’est un vrai cross, du tout terrain qui attend nos pauvres montures et mes pauvres rognons. Il n’y a que moi qui vais souffrir de cela car comme vous le savez, le Thille est un extra terrestre, un vrai Cowboy qui n’a jamais mal, qui ne ressent pas la faim ni le froid, qui n’a peur de rien et qui peu faire du vélo à 4000 dans les Andes sans le moindre mal de l’altitude. Alors c’est parti, nous passons dans la forêt, traversons un torrent, et attaquons une ascension semée d’embûches.
La forêt est très dense, le sentier étroit, les chevaux sont courageux, grimpent dur, trébuchent, s’enlisent dans la boue jusqu’aux cuisses parfois, enjambent des troncs morts et des racines traversant les sentiers. Il faut s’accrocher mais c’est vraiment grisant.
La prise de photo est acrobatique et le cadrage très aléatoire... les mouvements du cheval m’empêchent de garder l’oeil dans le viseur et une photo correcte et nette devient une prouesse. Même à la vitesse maximum tolérée par la luminosité, les photos sont moyennes, le plus dur étant de se contorsionner en arrière pour prendre mon cow-boy en action.
Du coup je ne peux pas crâner et nous montrer dans les situations les plus difficiles puisque la concentration était à certains moments aussi importante pour le cheval à faire du franchissement que pour l’humain à se cramponner! Tomber c’est une chose, dans une grosse marre de boue, c’en est une autre!!!
A mi-chemin, nous arrivons dans des sous bois d’aubépines et de cyprès propices aux champignons, et plus précisément aux morilles... Ah Ah... j’ai dit que nous étions des cow-boys? Pas du tout, nous sommes des Indiens et Oeil de Lynx (c’est mon nom d’Indienne) scrute le tapis végétal et débusque avec Simon nos premières morilles.
Les bois se transforment petit à petit, forêt de Coihues, ces grands arbres que nous avions vu au Parc National Los Alerces d’Esquel, vieux de plus de 200 ans selon Simon, puis nous traversons des forêts de canes-bambous qui ne fleurissent que tous les 10 ans, et, chanceux que nous sommes, sont en pleine floraison en ce moment, puis des forêts de Lingua, un arbre qui rougit complètement en automne et dont les troncs sont recouverts de lichens. Une atmosphère particulière règne dans ces bois, et nous nous attendons à tous moments de tomber sur un Elfe.
Après un bon pic-nic et deux heures de plus nous arrivons au refuge accueillant du Cerro Azul. Bien chauffé au bois, tout est à disposition pour se faire la popote, et nous mangeons 500 grammes de pâtes à nous deux comme si nous avions grimpé ces 1000 mètres de dénivelé avec nos propres jambes. La montagne ça creuse!
Nous sommes au pied de la neige, et Lucas, le gardien du refuge, nous annonce qu’il y a eu une avalanche hier et que le sentier qui mène au glacier bleu est de ce fait impraticable. C’est bien dommage, nous aurions aimé le voir demain matin, mais bon, si nous étions venus lundi comme nous le voulions au départ, on se dit qu’on aurait peut-être été prisonniers de la neige, alors on s’estime heureux.
Nous partons marcher un peu dans la neige, approchons une des avalanches, visitons les environs sous une petite neige fine.
les nuages sont menaçants et nous espérons très fort une belle journée pour demain.
4 Novembre: La nuit à été bonne et chaude auprès du poêle, nous pensons aux chevaux qui eux ont dormis dehors au froid avec Chico le chien qui nous accompagne. Ces bestioles ont vraiment la peau dure.
Et nous sommes exaucés, pas un nuage à l’horizon!
Alors Oeil de Lynx et Bison Velu (dit Bibi rouflaquettes) murmurent à l’oreille de leurs chevaux et repartent avec Simon sur les sentiers difficiles.
Les animaux savent bien qu’ils rentrent au bercail, et trottent avec beaucoup plus d'allégresse qu’à l’aller, bien que la descente soit aussi difficile pour eux et nécessite beaucoup plus d’attention à leurs pas.
Nous nous arrêtons pour casser la croûte et surtout ramasser un kilo de morilles pour la sauce de ce soir avec les biftecks. Nous mettons une heure de moins tellement ils sont contents de retrouver leurs pâturages.
Voilà une expérience merveilleuse que nous voudrions renouveler encore et encore, mais, bien que les tarifs soient deux fois moins élevés pour ce genre de prestation que chez nous, ils creusent quand même sévèrement le budget, ça en valait vraiment la peine.
Nous remercions Simon et partons rejoindre nos amis Varois au Puerto Patriada pour se taper un bon repas tous ensemble sauce morilles en nous racontant chacun nos aventures des jours passés les uns avec des milliers de moutons, les autres avec trois chevaux et un chien!
5 Novembre: C’était trop beau pour durer, le temps se fâche un peu, nous arrivons quand même à faire des calzones au feu de bois pour faire goûter à la Tribu et pour faire plaisir aux pirates, la pluie est fine et ne nous confine pas dans nos maisons roulantes. Le Thille s’entend bien avec les 3 garçons, leur taille des lances, des couteaux en bois, les emmène en promenade, les fait marrer, s’occupe d’eux à la Baden Powell pour le plus grand plaisir des parents!
6 Novembre: Il pleut sévèrement, il fait sombre sur les montagnes, une tempête de pluie nous fait partir de notre coin, nous décidons de prendre la route car il n’y a rien d’autre à faire. Direction Bariloche, 120 km, pour ensuite passer ensemble au Chili dans quelques jours et visiter la grande île de Chiloe. On rêve déjà de nos petits menus aux fruits de mer et aux poissons qu’on va se taper là bas.
Nous quittons El Bolson presque à regrets, mais nous savons que nous allons y repasser si tout va bien.
Bariloche ne nous fait pas la même impression que la bucolique El bolson, nous traversons d’abord une zone décheterie, puis une zone bidon ville avant d’atteindre le coeur de la ville et les rives du lac Nahuel Huapi bordées de maisons somptueuses et gigantesques, toutes faites de bois et de pierres, aux architectures farfelues parfois mais toujours dans le bon goût et avec le souhait évident que la maison s’intègre harmonieusement au décor naturel.
Nous sommes impressionnés mais le luxe et la richesse des gens sautent aux yeux. Les tarifs dans les boutiques équivalent les nôtres, la station de ski est huppée, et c’est là que nous y passons nos nuits, sachant que la ville est aussi réputée question chocolat que cambriolage, beaucoup de nos connaissances voyageuses se sont fait casser les vitres de leurs camping cars.
7 Novembre: Les maisons nous impressionnent, mais ce n’est rien à côté de la beauté de la situation géographique de la ville, lorsque le temps se découvre enfin, nous hallucinons totalement sur des lacs en enfilade, des îles, des montagnes autour, un paysage grandiose et pas encore bétonné comme ce serait le cas en France dans des lieux si féeriques.
8 Novembre: Nous allons en ville pour changer des pesos Argentins contre des Chiliens mais tout est fermé, c’est Dimanche, alors je fais du wifi et garde les camions pendant que le reste de la troupe fait les boutiques, en ne touchant qu’avec les yeux les beaux vêtements et accessoires vendus ici qui font rêver mais qui feraient pleurer le porte monnaie.
9 Novembre: Nous décidons de monter voir la vue sur les lacs du haut de la station de ski, le téléphérique est ouvert, nous nous renseignons sur le coût, mais ils déconnent complètement ici sur les prix! On se le fait à pied, no problemo, mais on ne peut pas atteindre le sommet puisque la couche de neige épaisse n’est pas encore fondue sur les hauteurs.
On se pose près d’un lac, comme d’habitude finalement, et demain, après avoir fait le change d’argent, nous partirons nous rapprocher du Chili.